Après cela la nouvelle de la mort de Minoutchehr se répandit jusque chez les guerriers du Touran, qui s’entretinrent avec les malveillants de la mort du roi et des affaires de Newder.
Lorsque Pescheng, le maître du Touran, apprit cette nouvelle, il eut envie de commencer une guerre contre l’Iran ; il parlait sans cesse de son père Zadschem ; il soupirait amèrement au souvenir de Tour et du trône de Minoutchehr et en pensant à son armée, à ses braves, au chef de ses troupes et à ses provinces.
Il appela tous les grands de ses pays et tous les chefs de son armée, tels qu’Aghrir et Guersiwez, Barman et Kelbad le brave, le lion sauvage et son Sipehbed Wiseh, prompt de la main, qui était chef de son armée.
Son Pehlewan était son fils Afrasiab, qui mandé par lui, vint en toute hâte.
Pescheng prononça un discours sur Tour et sur Selm, disant :
Il ne faut pas que nous cachions notre vengeance sous le pan de nos robes ; un chef dont le cerveau n’est pas troublé, ne peut ignorer ce que nous ont fait les Iraniens et comment ils se sont ceints pour nous faire du mal ; le temps est venu de chercher le combat et la vengeance et d’essuyer sur nos joues les larmes de sang qu’ont versées nos yeux.
Que dites-vous maintenant ?
Que me répondez-vous ?
Donnez-moi un conseil qui porte bonheur.
Les paroles de Pescheng firent bouillonner de colère Afrasiab et enflammèrent sa tête ; il s’approcha de son père pour lui répondre, le cœur rempli de haine, les reins ceints pour le combat.
Il dit :
Je suis digne de combattre les lions, je suis prêt à me mesurer avec le chef des troupes de l’Iran.
Si Zadschem avait tiré l’épée, il n’aurait pas laissé le monde dans cet état honteux.
S’il s’était ceint pour se venger, il aurait soumis l’Iran.
À présent tout ce que mon grand-père a laissé inachevé, la vengeance, le combat et la ruse, c’est à moi de l’accomplir avec mon épée acérée ; c’est le temps de ma révolte et le jour de mon insurrection.
La tête de Pescheng s’exalta en voyant la stature de cyprès d’Afrasiab, sa poitrine et ses bras de lion, sa force d’éléphant et son ombre qui se projetait à la distance de plusieurs milles, sa langue qui était comme une épée qui déchire, comme la mer qui écume, comme le nuage qui verse la pluie.
Il lui ordonna de tirer l’épée et de conduire son armée vers l’Iran.
Quand un roi voit un fils digne de lui, il peut bien porter la tête jusqu’au soleil, car il sait qu’après sa mort son fils tiendra sa place et maintiendra debout son palais.
Afrasiab quitta Pescheng, le cœur rempli du désir de la vengeance, la tête pleine d’impatience ; il ouvrit les portes des trésors amassés et fournit ses troupes de tout ce qui est nécessaire pour le combat.
Les apprêts de la guerre étant achevés, le sage Aghrirez vint au palais et parut devant son père, l’esprit plein de soucis, car son cœur penchait toujours vers ce qui est bon ; il dit au roi :
Ô mon père plein d’expérience, qui surpasses tous les Turcs en courage !
Quoique Minoutchehr ait disparu de l’Iran, l’armée de ce pays a trouvé un chef tel que Sam, fils de Neriman et il reste des grands de l’empire tels que Keschwad et Karen le guerrier.
Tu sais le sort que Minoutchehr le vieux loup, prompt à tirer l’épée, a fait éprouver à Selm et au vaillant Tour.
Mon grand-père Zadschem, le maître de l’armée de Touran, dont le casque touchait au ciel de la lune, ne tenait pas de pareils discours et pendant la paix n’ouvrait pas le livre de la vengeance.
Mieux vaudrait ne pas nous révolter, car il n’en résultera que la destruction du pays.
Pescheng répondit à son fils :
Afrasiab, ce crocodile plein de courage, est un lion féroce au jour de la chasse et un éléphant de guerre au jour du combat.
Il y aurait lieu de douter du lignage d’un petit-fils qui ne chercherait pas à venger son grand-père.
Tu dois accompagner Afrasiab et en toute chose, grande ou petite, lui donner de bons conseils.
Quand les plis de la robe des nuages se seront ouverts et que le désert sera humecté par la pluie, quand les montagnes et les plaines seront devenues des prairies pour les chevaux, quand l’herbe sera plus haute que le bras des braves et que la terre sera devenue toute verte par la végétation, alors il faudra dresser vos tentes dans les plaines, marcher joyeusement sur la verdure et sur les roses, conduire votre armée vers Amol, broyer Dehistan et Gourgan sous les sabots de vos chevaux et rendre l’eau couleur de rubis par le sang que vous verserez.
C’est de ce point que Minoutchehr, lorsqu’il chercha la guerre et la vengeance, partit contre Tour, c’est de là qu’une armée semblable à un noir nuage vint nous combattre : il faut partir du même point et réduire en poussière les têtes des grands de l’Iran.
C’était Minoutchehr qui dans l’Iran était l’appui de l’armée, car c’était lui qui ornait le trône ; mais maintenant qu’il a disparu de l’Iran, quelle crainte pouvez-vous avoir ?
Tous ceux qui restent ne valent pas une poignée de poussière.
Je n’ai aucun souci de Newder, car c’est un jeune homme qui ne connaît pas les ruses.
Il faut que vous luttiez contre Karen, prompt à combattre et contre Guerschasp, le second des braves de ce peuple ; et j’espère que vous vaincrez sur le champ de la vengeance les deux grands du pays d’Iran, que vous apaiserez les mânes de nos pères et que vous remplirez de feu les âmes de nos ennemis.
Le fils, ardent au combat, répondit au roi :
Je verserai des flots de sang pour la vengeance.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021