Zal appela un scribe ; son cœur était plein et il s’épancha tout entier.
Il fit écrire à Sam une lettre pleine de bonnes nouvelles, de saluts et de messages.
D’abord il s’étendit, dans sa lettre, sur les louanges du distributeur de la justice, qui a créé le monde, qui donne la joie et la force, qui est le maître de l’étoile du matin, de Mars et du soleil, maître de l’existence et maître du néant, le Dieu unique, dont nous sommes tous les esclaves.
Que ses bénédictions reposent sur Sam fils de Neriman, maître de la massue, de l’épée et du casque ; qui fait bondir son cheval noir au jour de la poussière, qui nourrit les vautours au jour du combat, qui fait redoubler le vent du champ de bataille et pleuvoir le sang du nuage noir, qui demande des couronnes et des ceintures d’or, qui place les rois sur leurs trônes d’or, qui par sa bravoure acquiert une gloire infinie, à qui ses prouesses font porter haut la tête.
Au jour du combat, il n’y a et il n’y aura pas de cavalier comparable à Sam fils de Neriman.
Je suis devant lui comme un esclave ; mon âme et mon cœur sont remplis d’amour pour lui.
Je suis né de ma mère tel qu’il m’a vu et depuis ce temps le ciel n’a amené sur moi que des injustices.
Mon père était vêtu mollement d’étoiles de castor et de soie et moi je fus porté par le Simurgh sur les montagnes de l’Hindoustan, où ma seule prière était qu’il m’apportât de la proie et qu’il me comptât parmi ses petits.
Ma peau était brûlée par le vent et de temps en temps la poussière me couvrait les yeux.
On m’appelait le fils de Sam, mais Sam était assis sur un trône et moi dans un nid.
Puisque les décrets de Dieu l’avaient ainsi ordonné, j’ai été obligé de marcher dans cette voie.
Personne ne peut échapper à la volonté de Dieu quand même il volerait et s’élèverait dans les airs ; quand même, dans sa bravoure, il broierait de ses dents le fer des lances et que la peau du lion se fendrait à sa voix ; il faudra qu’il se soumette aux ordres de Dieu, quand même ses dents seraient des enclumes.
Il m’est arrivé une chose qui me brise le cœur et qu’il m’est impossible d’approuver à la face du peuple ; mais si mon père, est un brave et un dragon courageux, veut exaucer la prière de son serviteur, tout ira bien.
Mon cœur s’est enflammé d’amour pour la fille de Mihrab, j’ai été dévoré comme d’un feu ardent.
Les astres sont mes compagnons dans la nuit sombre et mon état est tel que mon sein ressemble aux flots de la mer.
Je suis hors de moi par cette grande douleur et tout le peuple pleure sur moi.
Quoique mon cœur ait tant souffert par l’injustice, je ne veux pourtant rien faire que par tes ordres.
Qu’ordonnes-tu maintenant, ô Pehlewan du monde ?
Délivre mon âme de cette douleur et de cette angoisse !
Le roi a entendu cette parole du Mobed, qu’un joyau sortira de l’obscurité ; il ne peut se dégager de son serment et j’espère qu’il consentira que je fasse ma femme de la fille de Mihrab, selon le droit, la coutume et la foi.
Mon père se rappellera que lorsque Dieu, le maître du monde, m’a rendu à lui en me ramenant du mont Alban, il a promis devant le peuple que jamais il ne s’opposerait à un désir de mon âme.
Maintenant tu connais le désir auquel mon cœur est enchaîné.
Un cavalier semblable à Aderguschasp partit de Kaboul avec trois chevaux pour aller auprès de Sam.
Zal lui donna ses ordres et lui dit :
Si l’un de tes chevaux tombe tu ne te permettras pas un instant de repos, tu sauteras sur un autre et tu continueras de courir ainsi jusqu’à ce que tu sois en présence du héros.
Le messager partit, rapide comme le vent et sous lui son cheval était comme de l’acier.
Lorsqu’il fut arrivé près du pays des Kerguesars, le Sipehbed qui faisait le tour d’une montagne, lançant des guépards, chassant les bêtes fauves, l’aperçut de loin et dit à ses compagnons, à ses guerriers pleins d’expérience :
Voilà un messager de Kaboul monté sur un cheval du Zaboulistan ; il est certainement envoyé par Zal et nous allons lui demander avant tout des nouvelles de Destan, de l’Iran et du roi.
Dans ce moment, le cavalier arriva près de lui, tenant dans sa main la lettre de Zal.
Il descendit de cheval, baisa la terre et invoqua maintes fois la grâce de Dieu sur le prince.
Sam s’informa de sa santé en prenant la lettre de ses mains et l’envoyé lui remit le message qu’il avait pour lui.
Le prince détacha le lien de la lettre et descendit du sommet de la haute montagne.
Ayant lu toutes les paroles de Zal, il pâlit aussitôt et demeura troublé ; il n’approuve pas la passion de son fils ; il avait espéré que son naturel serait tout différent.
Il répondit :
Maintenant apparaît tout ce que sa nature devait produire.
Quand on a été élevé par un oiseau sauvage, on demande au sort l’accomplissement de désirs pareils.
Étant retourné de la chasse dans sa demeure, il réfléchit longtemps en se disant :
Si je lui dis :
Cela ne se peut pas, ne fais pas naître la discorde, tourne-toi vers la sagesse,
alors je m’avilis devant Dieu et devant les hommes par mon manque de parole ; et si je dis :
C’est bien !
Ton désir est juste, satisfais la passion de ton cœur,
alors quelle race naîtra de ce nourrisson de l’oiseau et de cette fille du Div ?
Sa tête s’appesantit des soucis de son cœur ; il se coucha, mais il ne trouva pas de repos.
Plus une chose est difficile pour l’esclave de Dieu, plus son corps en est brisé et plus son âme est en angoisse, plus cette chose devient facile inopinément aussitôt que Dieu le créateur l’ordonne.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021