Keïkobad partit et se rendit dans le Farsistan ; c’est là que se trouvaient les clefs de ses trésors.
Il y avait alors un palais à Istakher et les rois se glorifiaient de ce lieu.
Les hommes tenaient leurs yeux fixés sur Keïkobad, car il était le roi maître de la couronne.
Il posa son pied sur le trône des rois et gouverna selon la justice et la coutume des sages.
Il parla ainsi aux sages renommés :
Le monde, d’un bout à l’autre, s’est soumis à moi : et si l’éléphant combattait la mouche, il ferait une brèche à la justice et à la foi : je ne désire dans le monde que la justice, car la colère de Dieu me porterait malheur.
Le monde est tranquille par ma justice et par mes travaux, et mes trésors sont partout où il y a de l’eau et de la terre ; tous les rois forment mon cortège ; toute l’armée et tout le peuple sont à moi.
Soyez tous sous la protection du maître du monde, soyez prudents et évitez de faire ce qui est injuste.
Que tous ceux qui en ont les moyens jouissent et fassent jouir et me rendent grâces de leurs jouissances ; et si quelqu’un est trop pauvre pour jouir de la vie et qu’il n’ait pas les moyens de subsister, mon trône est son bien et le bien de tous ceux qui sont sous ma protection.
Ensuite, il rassembla son armée, il fit le tour du monde et le vit tout entier.
Dix ans s’étant écoulés, quand il eut visité le contour de la terre, rendant la justice en public et en secret, il fonda bien des villes prospères, telles que les cent villes qu’il bâtit autour de Reï ; ensuite il retourna dans le Farsistan, car la main du temps s’appesantissait sur lui.
Il s’assit sur son trône, entouré des Mobeds, des astrologues et des sages, rassembla tous ses guerriers et les regarda le cœur brisé.
Il parla des hommes illustres que la mort avait emportés et étendit la culture du monde par sa justice et par sa libéralité.
C’est ainsi qu’il vécut heureux pendant cent ans : vois s’il y a dans le monde un roi pareil à lui.
Il eut quatre fils pleins de sens, qui furent sur la terre un souvenir de lui.
Le premier était Kaous le glorieux, le second Arisch, le troisième Keï Neschin, enfin le quatrième s’appelait Keï Armin.
Ils maintenaient le monde dans la paix et dans le bonheur.
Lorsque cent années eurent passé sur son trône et sur sa couronne, sa fortune déclina ; et le roi, sentant qu’il était près de mourir et qu’une feuille verte allait se faner, appela le noble Keï Kaous et lui parla beaucoup sur la justice et la libéralité, en disant :
Je me prépare au départ ; laisse passer mon cercueil et prends le trône.
Je suis tel que tu dirais que je viens d’arriver gaiement du mont Alborz avec mes compagnons ; car ceux qui s’attachent à une fortune qui passe inopinément n’ont point de sens.
Si tu es un homme juste et d’intentions pures, tu trouveras ta récompense dans l’autre monde ; mais si les passions enveloppent ta tête de leurs lacets, si tu tires de son fourreau une épée acérée, cette épée te causera bien des peines et ensuite tu la livreras à ton ennemi ; ton séjour sera comme une flamme et ton cœur sera plein d’amertume et d’angoisse dans ce monde.
Il dit et quittant ce monde immense, il échangea son palais contre un cercueil.
Telle est l’action et la condition de ce monde : il tire les hommes de la poussière et puis les donne aux vents.
L’histoire de Keïkobad est terminée ; il faut maintenant parler de Kaous.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021