Tehemten fut affligé de la mort d’Alwa ;
Il détacha du crochet de la selle son lacet roulé : comme il allait entreprendre un combat pareil à celui qu’il avait soutenu dans le Mazenderan, il s’était pourvu de son lacet et de sa lourde massue ;
Il s’avança poussant des cris comme un éléphant ivre, le lacet suspendu au bras, la massue en main.
Kamous lui dit :
Ne t’agite pas ainsi, confiant dans ce fil soixante fois roulé.
Rustem répondit :
Quand un lion aperçoit une proie, il mugit fièrement.
C’est toi qui as provoqué ce combat, tu as tué un des braves de l’Iran.
Tu appelles mon lacet un fil, mais tu verras combien le nœud en sera serré.
Le destin, ô homme de Kaschan, t’a amené dans ce lien où la poussière qui doit te recouvrir est le seul gîte qui te reste.
Kamous lança son destrier, il vit que son ennemi l’attendait plein de confiance en sa force ;
Il voulut trancher la tête de Rustem d’un coup de son épée damasquinée, mais l’épée porta sur le cou de Raksch et coupa, sans le blesser, l’armure qui le couvrait.
Rustem lança le nœud de son lacet, prit Kamous par le milieu du corps, fit partir Raksch l’éléphant furieux, rapprocha de sa jambe le bout du lacet et le passa dans l’anneau de la selle, pendant que Raksch volait comme l’aigle aux grandes ailes.
Kamous serra fortement son cheval des jambes, lui lâcha les rênes et appuya sur l’étrier ;
Il essaya de rompre le lacet pour se délivrer de son étreinte ;
Il se démena comme un insensé ;
Mais le lacet ne rompit pas.
Rustem arrêta Raksch, se retourna, désarçonna Kamous et le jeta par terre.
Alors, il s’approcha de lui, le lia avec son lacet et lui dit :
À présent tu ne feras plus de mal ;
La magie et les incantations t’ont fait défaut et ton esprit est devenu en vain l’esclave du Div.
Il lui lia fortement les deux mains derrière le dos avec son lacet, le saisit par les liens et s’en fut à pied vers l’armée de l’Iran portant son ennemi sous le bras.
Il dit aux braves :
Cet homme avide de combats a voulu se mesurer avec moi, se fiant à sa force et à sa puissance.
Mais telle est la coutume de ce monde trompeur, tantôt il nous élève, tantôt il nous abaisse ;
C’est lui qui est la source de la joie et de la tristesse, qui nous déprime jusqu’à terre ou nous élève jusqu’aux nuages.
Maintenant ce brave qui portait haut la tête, dont le lion courageux n’était pas l’égal dans le combat, qui était parti pour dévaster l’Iran, pour faire de notre pays la demeure des lions ;
Qui ne devait laisser dans le Zaboulistan et dans le Kaboul ni palais ni jardin et ne poser sa massue que lorsqu’il aurait anéanti Rustem fils de Zal ;
Maintenant sa cuirasse et son casque lui serviront de linceul ;
La terre formera son diadème et la poussière sa tunique.
De quelle mort voulez-vous que meure le vaillant Kamous ?
Car son heure est venue.
Il le jeta par terre devant les grands et les chefs de l’armée sortirent des rangs, lui hachèrent le corps avec leurs épées et inondèrent sous lui de son sang les pierres et la terre.
Telle est la coutume du ciel et du temps, ils amènent tantôt la douleur et le chagrin, tantôt la joie.
Il faut subir les soucis et les fatigues, les inquiétudes et les peines et la bravoure ne t’en délivrera pas.
Tu succombes sous le poids de tes fautes, ton âme est dévorée d’anxiété et de douleurs.
Ne te fie pas à ton courage, car le destin a la main étendue sur toi.
Vis donc en faisant du bien autant que tu peux et rends hommage à Dieu qui est ton guide.
L’histoire du combat de Kamous est finie : le héros est mort ;
Celui qui donne la vie la lui a ravie.
À présent je vais raconter le combat du Khakan de la Chine ; je vais faire agir les héros sur ce champ de la vengeance.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021