Quand le capitaine des gardes parut à la porte du palais, les héros prirent les armes pendant qu’il était encore nuit et se mirent à la tête des troupes.
Ils avaient tous mis leur vie sur la paume de leur main ; ils étaient tous revêtus d’une armure complète ; ils étaient tous prêts à verser du sang dans le combat.
À la première lueur du jour et à l’heure où le coq chante, en entendit le bruit des timbales sous la porte du roi ; Tehemten parut, semblable à un cyprès élancé, la massue en main et le lacet accroché à la selle et il sortit avec ses troupes du palais du roi, en prononçant des bénédictions sur son pays.
Arrivé à la frontière du Touran, le Pehlewan appela autour de lui tous les chefs de ses troupes, ensuite il s’adressa à celles-ci et leur dit :
Vous resterez ici sans vous impatienter et vous ne quitterez pas ce lieu, à moins que Dieu le très-saint ne me prive de la vie.
Vous vous tiendrez prêts à combattre ; vos mains seront toujours préparées à verser du sang. »
Il laissa ainsi son armée sur la frontière, pendant qu’il se dirigeait avec ses fidèles vers le Touran.
Il se revêtit d’un habit complet de marchand et ôta sa ceinture de guerrier ; les héros défirent leurs ceintures d’argent et Rustem les revêtit de robes de laine ; et c’est ainsi qu’ils entrèrent dans le Touran, en formant une riche caravane.
Ils menèrent avec eux huit nobles destriers, Raksch et les montures de ces héros, dix chameaux qui ne portaient que des joyaux et cent autres chargés d’habillements de soldat ; et les échos du désert répondirent aux cris des hommes et au bruit des clochettes, qui résonnaient comme les trompettes de Thahmouras.
Rustem s’avança de cette manière dans le Touran : il arriva aux environs de la ville de Khoten et tout le peuple, hommes et femmes, sortirent pour voir sa caravane.
Le noble Piran fils de Wiseh n’était pas dans la ville et personne des siens ne se tenait à la porte de son palais.
Mais lorsque Rustem le vit revenir de la chasse, il prit une coupe d’or remplie de pierres fines et proprement couverte d’un drap d’or et deux nobles chevaux portant des selles ornées de pierreries et il les remit à ses serviteurs, à la tête desquels il se mit lui-même ; c’est ainsi qu’il fit son entrée dans le palais de Piran.
Il salua Piran, en disant :
Ô illustre Pehlewan, dont ’ la fortune et les hauts faits remplissent le Touran et l’Iran, personne n’est aussi digne du pouvoir et du diadème que toile conseiller des rois et l’ornement de leur trône. »
Piran, par la grâce du Maître du monde, ne reconnut pas Rustem et il lui demanda :
D’où viens-tu ?
Dis-le moi ; qui es-tu ?
Et pourquoi arrives-tu ici en si grande hâte il»
Rustem répondit»
:
Je suis ton esclave et Dieu m’a indiqué ta ville pour m’y abreuver.
J’ai fait la longue et difficile route qui conduit de l’Iran dans le Touran pour me livrer à mon commerce.
Je vends et j’achète, je tiens des marchandises de toute sorte et j’en trafique.
J’ai consolé mon âme dans tous mon dangers par l’image de ta magnificence et maintenant l’espérance déborde dans mon cœur.
S’il plaît au Pehlewan de m’abriter sous ses ailes, j’achèterai des chevaux et je vendrai des joyaux.
Sa justice empêchera qu’on ne me fasse du mal et le nuage de son amitié fera pleuvoir sur moi des perles. sa Ensuite Rustem posa devant Piran la coupe remplie de joyaux dignes d’un roi et le pria de l’accepter, de même que les nobles chevaux de race arabe, à la robe si fine que la poussière soulevée par le vent ne s’attachait pas à leur poil.
Il lui remit ces présents en invoquant les grâces de Dieu sur lui et cette affaire fut arrangée.
Lorsque Piran vit les joyaux que contenait la coupe brillante, il appela les bénédictions de Dieu sur Rustem, le reçut gracieusement, le fit asseoir sur son trône de turquoises et lui dit :
Va-t'en en paix, entre dans la ville en toute sécurité, car je vais te préparer un logis au- près de moi ; n’aie pas d’inquiétude sur tes trésors, personne n’osera te chercher querelle.
Va et apporte ici tout ce que tu as de précieux et cherche partout des acheteurs.
Viens résider dans le palais de mon fils et comporte-toi envers moi comme si tu étais de ma famille. »
Rustem lui répondit :
Ô Pehlewan, je serais heureux d’habiter ici.
Tout ce que j’ai de précieux est à toi ; et quelque part que nous demeurions dorénavant, tout * sera bien.
Mais j’aime mieux, ô Pehlewan, séjourner hors du palais, pour que je puisse rester auprès de ma caravane ; car j’ai avec moi des hommes de toute espèce et il ne faut pas qu’un seul de mes joyaux se perde. »
Piran lui répondit :
Va et choisis ta demeure comme il te plaira ; je placerai des gardiens près de toi. »
Alors Rustem loua une maison, s’y établit et plaça ses bagages et ses marchandises dans le magasin.
Le bruit se répandit qu’une caravane de l’Iran était arrivée dans la ville de l’illustre Pehlewan ; de tous côtés les acheteurs ouvrirent les oreilles, lorsqu’ils entendirent parler du marchand de pierreries ; tous ceux qui avaient besoin de brocarts, de tapis ou de joyaux se mirent en route pour aller à la cour de
Piran ; et il s’établit dans le magasin de Rustem un marché brillant, qui illuminait le monde comme le soleil.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021