Les héros partirent et arrivèrent au palais d’Afrasiab à l’heure du repos et au temps du sommeil ; ils jetèrent les brides sur les selles des chevaux et tirèrent tous l’épée de la vengeance.
Rustem saisit la porte de ses mains, en arracha la fermeture et s’élança dans le palais comme un lion furieux.
Ce ne furent alors que coups donnés et reçus et des épées qui flamboyaient et une pluie de traits qui tombait.
On trancha la tête à tous les grands ; leur main se remplit de poussière et leur bouche de sang.
Sous le portique de l’appartement du roi Rustem s’écria :
Que ton sommeil soit doux et ta tête pleine de vent !
Tu as dormi sur ton trône pendant que Bijen était dans son cachot ; as-tu donc cru qu’il y eût un mur de fer sur la route de l’Iran ?
Je suis Rustem du Zaboulistan, fils de Zal et ce n’est pas le moment de sommeiller et de rester au lit.
J’ai brisé la porte et les chaînes de la prison que tu avais confiée à la garde d’un rocher et Bijen est libre de ses liens ; personne ne doit traiter ainsi son gendre.
La guerre que t’a value le meurtre de Siawusch aurait dû te suffire ; car, ô homme sans va-leur, j’ai répandu autour de toi assez de ruines et pourtant tu en as voulu à la vie de Bijen ; mais je vois que ton cœur est méchant et ton esprit égaré. »
Ensuite Bijen s’écria :
Ô Turc ignoble et stupide, rappelle-toi que c’est sur ce trône et à cette place d’honneur que tu étais assis lorsque tu m’as tenu debout et captif devant toi ; je demandais à combattre comme un léopard, mais tu m’as serré les mains avec des liens durs comme une pierre.
Regarde-moi maintenant libre et en plein air et tel qu’un lion furieux n’oSerait m’attaquer. »
Ces paroles réveillèrent les anciennes terreurs d’Afrasiab et il se mit à crier dans son palais :
Mes braves sont-ils donc enchaînés par le Sommeil ?
Que ceux d’entre les héros qui ambitionnent le sceau etlle diadème coupent aux ennemis toute retraite. »
De tous côtés on entendit des cris et des pas rapides, le sang versé coulait à grands flots à la porte du roi et quiconque sortait du palais était tué à l’instant.
Pendant que les Iraniens se hâtaient de se venger, Afrasiab s’enfuit de sa demeure.
Le maître de Raksch .y entra, foulant aux pieds les tapis et les meubles ; les femmes au visage de Péri esclaves du roi saisirent de leurs mains la main des héros et ceux-ci enlevèrent les nobles chevaux à la selle de bois de peuplier recouverte de peau de léopard et brodée de pierreries ; ensuite ils sortirent du palais emportant leur butin et ne firent plus un long séjour dans le Touran.
Rustem pressa la marche ; des chevaux, à cause du butin qu’ils portaient et de peur que cette aventure ne finît mal.
Il était si fatigué de la course, que son casque lui pesait sur la tête ; ses cavaliers avaient tant combattu et ses chevaux avaient tant couru, qu’aucune artère de leur corps ne battait plus.
Il envoya à ses troupes un message ainsi con-çu :
Tirez du fourreau l’épée du combat, car je ne doute pas qu’Afrasiab ne fasse passer le fleuve à son armées Ces vaillants cavaliers partirent tous ensemble, prêts à verser du sang.
Une vedette arriva de loin ; elle avait épié la marche des cavaliers touraniens, qui tous portaient des lances au fer luisant, qui tous avaient joint les deux rênes pour livrer bataille.
Menijeh était assise sous une tente ; devant elle se tenaient des esclaves et un guide et Rustem lui dit :
On a beau répandre le vin, il en reste toujours le parfum.
Telle est la coutume de ce monde fugitif ; il te donne tantôt du miel et des jeux, tantôt des soucis et des peines. »
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021