Piran, de son côté, était en fureur ; son cœur était blessé par la douleur, ses yeux se remplissaient de larmes.
Il fit dire à Nestihen :
Ô illustre héros tou-’
jours secourable, il faut livrer un combat ; il faut ce te hâter de venger la mort de ton frère, faire une attaque de nuit contre les Iraniens et couvrir la surface de la terre d’un torrent de sang pareil au Djihoun.
Emmène dix mille cavaliers expérimentés, couverts de leur armure de combat et tu parviendras peul-être à venger Houman et à mettre les têtes de ses ennemis sous les ciseaux de la morm-Nestihen répondit :
Me voilà prêt ; je ferai couler sur la terre un torrent de sang semblable au Djihoun. »
Lorsque les deux tiers de la nuit sombre se lurent écoulés, la plaine retentit du bruit des cavaliers ; les Turcs se préparèrent à une attaque ,espérant que ce combat leur permettrait de relever la tête.
Nestihen conduisit cette troupe avide de vengeance vers le camp ennemi, mais à l’aube du jour il arriva à un endroit où la sentinelle l’aperçut de sa tour.
Aussitôt que les éclaireurs iraniens en eurent connaissance, ils accoururent chez Gouderz, disant :
Il arrive une armée silencieuse comme un courant d’eau, on dirait qu’elle n’a pas de langue pour parler : c’est ainsi qu’on agit dans une surprise de nuit.
Le Sipehdar sait ce qu’il aura à faire. »
Le Pehlewan ordonna à ses troupes de se tenir éveillées et attentives, de prêter l’oreille au moindre bruit que feraient les Touraniens, afin qu’on s’aperçût de leur approche.
Ensuite, il fit appeler Bijen fils de Guiv, le vaillant héros toujours prêt à frapper de l’épée et lui dit :
Ton étoile est heureuse, tes entreprises réussissent, ton nom brise le cœur de nos ennemis ; prends parmi ces héros, ces grands et ces braves, autant de
xsî Knosnou. cavaliers qu’il en faut ; va comme un lion à la rencontre de cette troupe qui vient nous attaquer et foulela vaillamment aux pieds. »
Bijen choisit dans l’armée mille cavaliers braves et ardents pour le combat et bientôt les deux troupes s’avancèrent l’une contre l’autre, remplies de haine et impatientes de se livrer bataille.
Ils élevèrent tous leurs lances et à ce moment un nuage noir s’étendit sur la terre sombre ; de ce nuage sortit une poussière noire qui enveloppa les Touraniens et les rendit invisibles.
Le Sipehbed Bijen apercevant cette poussière noire qui dérobait l’armée turque à sa vue, fit bander les arcs ; les grands et les petits poussèrent un cri de guerre, l’air devint couleur de rouille, la terre se convertit en une mer de sang ; les deux tiers des Turcs tombèrent et furent foulés aux pieds de leurs chevaux et noyés dans leur sang.
Lorsque Bijen s’approcha de Nestihen et qu’il vit le drapeau du chef de la famille de Wiseh, il tendit les muscles de sa poitrine et lança une flèche contre le cheval de Nestihen, qui s’abattit vaincu par la douleur.
Bijen, avide de renom, se jeta sur Nestihen, le frappa avec une massue sur sa tête couverte d’un casque, en fit jaillir toute la cervelle et le tua.
Alors, il dit aux Iraniens :
Tout homme ceint pour le combat qui se servira d’autres armes que de la massue et de l’épée, je lui briserai son arc sur la tête.
Les Turcs sont beaux à voir avec leur visage llt. 3h de Péri, mais ils n’ont pas un atome de bravoure.W Les Iraniens prirent courage, saisirent tous leurs épées brillantes, et, semblables à des éléphants, amoncelèrent sur toute la plaine des corps privés de leurs têtes ; ils poursuivirent ainsi l’ennemi depuis le champ de bataille jusqu’à son camp.
Lorsque Piran vit que son frère ne revenait pas avec sa troupe, le monde devint noir devant ses yeux.
Il dit aux espions :
Il faut envoyer d’ici un cavalier dans le camp des Iraniens ; et s’il ne rapporle pas des nouvelles de mon frère Nestihen, je lui arracherai les yeux de la tête. »
On expédia sur lechamp un cavalier ; celui-ci partit, vit tout et revint en toute hâte, disant :
Nestihen gît sur le champ de bataille avec les grands de l’armée du Touran, la tête coupée et jetée par terre comme celle d’un éléphant, le corps brisé par les coups de massue et ’tout bleu. »
À ces paroles Piran entra dans une grande agitation, sa raison s’égara ; il s’arracha les cheveux, versa des larmes et perdit l’ap-
-pétit, le repos et le sommeil ; il déchira avec ses mains sa robe de Roum et éclata en cris et en lamentations, disant :
Ô Créateur du monde, ai-je donc commis en secret des péchés contre toi, pour que tu me prives de la force demes bras, pour que mon étoile et le soleil s’assombrissent ainsi ?
Hélas !
Ce dompteur des lions, ce vainqueur des héros, cet homme si brave, si généreux, si vaillant, si beau, mon noble frère, mon puissant maître, mon héros, Houman, le chef de la famille de Wiseh !
Et Nestihen le lion rugissant dans la bataille, enlre les mains duquel un léopard était comme un renard !
En qui trouver : rai-je un champion sur ce champ de bataille !
Car il faut que je mène au combat mon arméem Piran fit sonner les trompettes d’airain et placer les timbales sur le dos des éléphants ; l’air devint noir, la terre couleur d’ébène ; l’armée sortit des montagnes de Kenabed et le soleil et la lune perdirent leur éclat.
Le Sipehdar de l’Iran à son tour fit sonner des trompettes, porta ses troupes en avant et prit position ; on voyait au milieu de son armée le drapeau de lKaweh entouré d’épées bleues ; tous les grands avides de combat portaient des lances et des massues à tête de bœuf.
Les armées se battirent depuis la première lueur du jour jusqu’à ce que le monde se couvrît de ténèbres ; et à l’entrée de la nuit les troupes se retirèrent dans leurs camps, remplies de haine et se préparant à de nouveaux combats.
Le Sipehdar del’Iran rentra dans Beibed l’âme agitée de soucis ; il se dit :
Nous avons livré aujourd’hui une grande bataille, nous avons tué quelquesuns de leurs chefs et je suppose que Piran va envoyer en toute hâte un cavalierau roi du Touron et lui demander du secours pour les combats que son armée aura mon à livrer.
Il faut donc que moi aussi je donne des nouvelles à Khosrou. »
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021