Lorsque le soleil couchant répandit sur le monde une teinte de rubis et que la nuit commença sa marche à travers le ciel, tous les braves de l’armée, tous ceux qui étaient de bon conseil et savaient frapper de l’épée, se rassemblèrent et se rendirent à la tente du Khakan, le cœur plein d’ardeur pour le combat et la vengeance : c’étaient Kamous le destructeur des hommes, le lion ;
Manschour le vaillant, qui décidait du sort des batailles ;
Schemiran de Schikin, Schenkoul l’Indien, Kender du pays de Seklab et le roi du Sind.
Chacun dit son avis sur la bataille à livrer, chacun parla des Iraniens et tous arrêtèrent d’un commun accord qu’il fallait laver ses mains dans le sang.
Ensuite ils sortirent pour aller se reposer ;
Mais ils ne purent dormir dans leurs tentes, malgré le désir qu’ils en avaient.
Lorsque la lune, que les nuits successives avaient courbée et réduite à un mince croissant, en l’enveloppant dans les boucles de leurs cheveux, se fut approchée du soleil et que celui-ci eut paru dans sa splendeur et la face inondée de lumière, les deux armées se mirent avec grand bruit en mouvement et leurs cris montèrent aux sphères célestes.
Le Khakan dit :
Il ne faut pas hésiter aujourd’hui comme dans la bataille d’hier, où Piran s’est comporté comme s’il n’eût pas existé, lui sans qui nous ne devrions pas commencer un combat.
Nous sommes tous venus ici pour nous battre ;
Nous avons fait une longue route pour secourir nos amis ;
Mais si nous hésitons comme hier, nous nous couvrirons de honte tandis que nous cherchons la gloire.
Songez d’ailleurs que demain Afrasiab nous remerciera et que nous jouirons du repos.
Avançons donc contre nos ennemis en masse comme une montagne et livrons une grande bataille.
Il y a ici les héros de dix royaumes et il ne s’agit pas de nous asseoir pour manger et pour dormir.
Les grands se levèrent tous de leurs places applaudissant aux paroles du Khakan et s’écriant :
Tu es aujourd’hui le chef de l’armée, les pays de la Chine et du Touran sont à toi et tu vas voir sur ce champ de bataille que des nuages noirs il jaillira des épées.
De son côté Rustem parla ainsi aux Iraniens :
Voici le moment où notre sort se décidera.
Si nous avons perdu hier quelques braves, ce n’est qu’un homme sur deux ou trois cents ;
Ainsi n’ayez pas de crainte, car je ne veux pas vivre sans renom et sans honneur.
Toute l’armée des Turcs s’est retirée les joues noires comme l’ébène, lorsqu’elle a vu la mort de cet Aschkebous.
Remplissez donc vos cœurs du désir de la vengeance ;
Et vous, cavaliers, froncez vos sourcils.
J’ai aujourd’hui ferré mon cheval Raksch, je vais le monter et rougir mon épée de sang.
Faites que ce soit aujourd’hui un jour de fête et que le monde entier devienne le trésor de Khosrou.
Ceignez vos reins, car la bataille vous livrera des couronnes et des boucles d’oreilles et je vous donnerai l’or et les trésors du Zaboulistan, avec toutes les richesses du Kaboul.
Les grands le bénirent, disant :
Puissent le diadème et le sceau prospérer par tes efforts !
Rustem se revêtit de son armure de combat et se rendit sur le champ de bataille plein de confiance en sa force.
Il endossa d’abord une cotte de mailles, puis une cuirasse et enfin le Bebr-i-beyan.
Il mit sur sa tête un casque magnifique et ses ennemis durent penser à la mort.
Il serra sa ceinture en se recommandant à Dieu et monta sur son cheval, semblable à un éléphant ivre.
Le ciel fut confondu à l’aspect de sa stature et la terre fut effrayée du pied de Raksch.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021