Le roi écouta le message de Djehn et le regarda en souriant ; ensuite il lui dit :
Ô toi qui recherches le combat, j’ai écouté tes paroles du commencement à la fin.
D’abord, quant aux souhaits que tu as faits pour moi, puissent-ils se vérifier pour mon trône, ma couronne et mon sceau !
Quant aux salutations que tu m’as portées de la part d’Afrasiab, dont les yeux sont remplis de larmes, selon ton récit, je les ai entendues ; puissent-elles porter bonheur à ma couronne et à mon trône, que j’espère voir toujours heureux et victorieux] Ensuite, quant à ce que tu dis sur les grâces qu’il rend au Créateur de voir son petit-fils dévoué à Dieu, plus heureux que tous les rois de la terre et le prince le plus aimé et le plus victorieux, je te réponds que Dieu m’a donné tout ce que dit Afrasiab ; puisse mon mérite ne pas être au-dessous de cette fortune !
Quoique tu aies la parole séduisante, tu n’es pas pur de cœur, ni un vrai serviteur de Dieu.
Quand on est puissant par l’esprit, il fau-drait que les actions valussent encore mieux que les discours.
Feridoun, le bienheureux, n’est pas devenu un astre et son corps n’a pas quitté la terre noire et tu dis que je m’élève au-dessus du ciel ; tu as donc renoncé à toute pudeur ?
Ton. esprit ne compte que sur la fraude et la parole dans ta bouche n’est qu’un ornement.
Tes lèvres sont pleines de paroles et ton cœur plein de mensonges qui ne peuvent éblouir un sage.
N’appelle pas mon père, que tu as assassiné, roi de la terre, maintenant qu’il ne reste plus même les ossements de
KEÏ mosane.
Siawusch.
De même, par excès de haine, tu as ce traîné ma mère de l’appartement des femmes sur la voie publique et moi, qui n’étais pas encore né de ma mère, tu as versé du feu sur ma tête.
Quiconque se trouvait devant ton trône a maudit ton âme perverse, car jamais personne dans le monde n’avait agi ainsi, ni un roi, ni un héros, ni un homme quelconque.
Un prince qui traîne une femme, sa propre fille, devant les hommes et la livre aux bourreaux, qui la frappent de fouets, pour qu’elle fasse une fausse couche !
Le sage Piran est survenu : il a vu ce que jamais il n’avait vu ni entendu.
Mais la volonté de Dieu était que j’élèverais ma tête au-dessus de la foule ; il a détourné de moi le mal que tu voulais me faire, car le sort avait sur moi des desseins secrets.
Plus tard, lorsque ma mère m’eut mis au monde, tu m’as envoyé chez des pâtres, comme un enfant sans valeur, tu m’as livré en pâture aux lions ; des chèvres étaient mes nourrices, des bailles mes gardiens ; je n’avais pas de repos le jour, je ne dormais pas la nuit.
Ainsi passa le temps ; à la fin Piran me ramena du désert et me conduisit auprès de toi ; tu avais pensé que j’étais digne du trône et de la couronne et tu voulais me trancher la tête comme à Siawusch et n’accorder pas même un linceul à mon corps ; mais Dieu le très-saint m’a lié la langue et je suis resté confondu à la place où j’étais assis ; tu m’as trouvé un être sans cœur et sans tête et alors tu as ajourné tes mauvais dessins.
Ensuite pense à ce que Siawusch a fait dans sa droiture et ce qu’il a soull’ertde maux et de privations. il t’a choisi dans le monde entier comme son refuge, comme il convevenait à un brave ; il a abandonné pour toi le trône et la couronne, il est venu et t’a salué comme roi de la terre.
Il a agi de bonne foi et a renvoyé son cortège pour que tu ne l’accuses pas de perfidie.
Lorsque tu as vu sa poitrine et son nombril, sa puissance, sa bravoure et ses manières, ta mauvaise nature s’est émue et tu as tué cet homme au cœur pur ; tu as coupé cette noble tête qui portait une couronne, comme si c’était une tête de menton.
Depuis le temps de Minoutchehr jusqu’aujourd’hui tu n’as été qu’un méchant et un malveillant.
Le malheur a commencé par Tour, qui s’est livré à sa méchanceté en face de son père ; et ainsi, de génération en génération, il n’y a eu ni conduite royale, ni foi, ni loi ; tu as frappé le cou de l’illustre Newder, le père du roi et né de race royale, tu as tué ton frère Aghrires, qui était doux et ne cherchait qu’une bonne renommée.
Depuis que tu existes tu as été méchant et de mauvaise race et tu as suivi la voie d’Ahriman.
Si l’on voulait compter les méfaits, on dépasserait le nombre des rotations du ciel ; tu es un rejeton envoyé de l’enfer, ne dis pas que tu es de naissance humaine.
se Ensuite tu dis que le maudit Div a leurné ton cœur et la volonté vers le mal ; c’est ainsi que Zohak et Djemschid, lorsqu’ils ont renoncé à la vertu, ont dit qu’lblis a jeté leur âme hors de la voie et les a rendus impuissants pour le bien.
Mais le malheur ne les a pas abandonnés, à cause de leur mauvaise nature et des conseils de leur maître le Div.
Quiconque détourne sa tête de la voie droite finira par être courbé et affaibli.
Encore, dans le combat contre Peschen, où l’iran a tué tant de cavaliers, la terre a été rougie par le sang des fils de Gouderz, car tu ne cherches qu’à faire de la peine et ne suis que la voie du mal.
Et maintenant tu es venu avec mille fois mille cavaliers turcs prêts pour la bataille, tu as amené ton armée à Amouï pour me combattre et Pescheng s’est présenté devant moi ; tu l’as envoyé pour qu’il me tranchât la tête et ensuite tu serais parti pour dévaster mon pays.
Mais Dieu, le maître du monde, m’est venu en aide et a abaiSsé la fortuue de mes ennemis.
Dis-moi à présent si mon cœur pourrait se réjouir de ton bonheur, si je pourrais être heureux de te voir sur le trône ?
Réfléchis dans quels termes je dois parler de tes actions quand je veux être sincère ?
Dorénavant et jusqu’à la résurrection, je ne te parlerai plus qu’avec mon épée tranchante.
Je lutterai contre toi avec toute la ce puissance de mes trésors et de mes armées, à l’aide de ma bonne étoile et de la rotation du soleil et de la lune ; je me tiendrai humblement devant Dieu, a je ne demanderai d’autre guide que lui, dans l’espoir d’arracher les mauvaises herbes du jardin de et rajeunir le monde par la justice et la générosité, de détruire mes ennemis et d’ôter le diadème aux méchants.
Répète à mon grand-père toutes mes par : roles et qu’il ne cherche pas un prétexte pour éviter une lutte pareille. »
Il donna à Djehn une couronne incrustée de chrysoprases, un collier d’or et deux boucles d’oreilles.
Djehn s’en retourna auprès de son père et lui rapporta tout ce qui s’était passé.
Afrasiab s’émut de la réponse de Khosrou, son cœur se remplit de douleur et sa tête d’impatience ; il distribua à son armée des trésors et de l’argent, des massues, des épées, des morions et des casques.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021