Lorsque Keï Khosrou eut passé de l’autre côté du Djihoun, il oublia la faim, le repos et le sommeil.
Aussitôt que son armée eut traversé le fleuve, il envoya des messagers à tous les grands pour les exhorter à ne pas s’effrayer de son arrivée et à prier pour lui Dieu le très-saint.
Il distribua de grands trésors aux pauvres, en donnant davantage à ceux qui étaient heureux de le voir.
Ensuite, il s’avança sur la frontière de Soghd, où il trouva un monde tout nouveau, qui était la demeure des hiboux.
Il distribua encore des trésors dans ce pays et désira qu’il lût cultivé.
À chaque station arrivait une escorte de cavaliers pour protéger le roi.
Khosrou reçut des nouvelles de Gangue et d’Afrasiab et de son armée ; il apprit que Kakuleh, un descendant de Tour, plein de haine et de rancune et impatient de voir le jour de la bataille, était arrivé auprès d’Afrasiab avec une armée qui ressemblait à des lions déchaînés ; qu’Afrasiab avait envoyé une partie de ses héros à Djadj pour faire apporter le trône et la couronne des Turcs ; qu’il avait expédié, sous le commandement de Thuwnrg, une grande armée dans le désert et que tous les princes du désm’t avaient accepté la guerre contre Khosrou et promis de couper le chemin aux Iraniens.
Khosrou, le maître du monde, méprisa ces mouvements ; son esprit ne s’occupait que d’Afrasiab.
Il ordonna à l’armée, qui arrivait de Berda et d’Ardebil, de s’avancer par division, de le précéder et de lui rendre compte des braves, des Mobeds et des gouverneurs d’Afrasiab.
Cette armée partit sous le commandement de Gustehem, qui ne s’effrayait pas du combat des lions.
Ensuite, il ordonna à l’armée venue du Nimrouz de partir avec Rustem, le destructeur des braves et de monter sur des chevaux forts comme des dromadaires ardents à la course, en tenant en laisse des chevaux frais, pour surprendre les Turcs par une marche rapide.
Ces deux chefs, l’honneur des couronnes qu’ils portaient, partirent, l’un vers le désert, l’autre vers Djadj.
Le roi lui-même resta un mois dans le pays de Soghd, qui lui devint tout dévoué ; il donna de l’argentà son armée et la [il reposer, il guettait le moment où il faudrait livrer bataille.
Il rassembla tous ceux qui étaient propres au combat, qui contraissaient l’art et les ruses des sièges ; il s’en fit des amis et remplit de terreur la tête des méchants.
Ensuite, il partit du pays de Soghd et de Kaschan avec une armée fière, couverte d’armures, préparée au combat et telle que le monde en resta confondu.
Les Turcs apprirent que l’armée de Khosrou, qui ambitionnait la possession du monde et qui cherchait la vengeance, s’avançait : tous se réfugièrent dans les châteaux forts, le monde se remplit d’agitation et de bruit.
Keï Khosrou adressa la parole à son armée, disant :
Maintenant, il faut faire la guerre sur un plan nouveau.
Ceux parmi les Turcs qui nous obéiront, qui regretteront de nous avoir combattus, ne les attaquez pas, ne versez pas leur sang, ne permettez à personne de leur faire du mal ; mais ceux qui s’aviseraient de nous attaquer, ceux dont le cœur haineux ne veut pas suivre la bonne voie. il vous est permis de verser leur sang, de les attaquer partout et de les piller. »
On proclama devant l’armée qu’il ne fallait pas prendre les vivres, ni montrer de la haine, ni faire la guerre à quiconque ne portait pas dans son cœur de la haine contre le roi.
C’est ainsi qu’ils se dirigèrent vers le Touran : le monde fut rempli de tumulte et de clameur ; l’armée du roi des rois ne lit aucune attention à ceux qui lui obéissaient ; mais les Turcs, de peur d’Afrasiab, refusaient l’eau à ceux dont les lèvres étaient altérées et si quelqu’un de l’armée du roi restait en c7 arrière, on trouvait bientôt sur la route son corps privé de la tête.
Les Iraniens marchèrent contre les forteresses et partout où se trouvait un homme qui voulût se défendre, les murs disparaissaient à l’instant et l’armée ne laissait derrière elle ni châteaux, ni palais, ni esclaves, hommes ou femmes, ni chevaux, ni rien de bon ou de mauvais.
C’est ainsi que Khosrou traversa cent farsangs, ne laissant debout ni un château dans la montagne ni une demeure dans la plaine.
Lorsqu’il eut amené l’armée sur les bords du Galzarrioun, il visita tous les alentours avec un guide et y trouva un pays semblable à un jardin au printemps ; les vallées et les plaines, les montagnes et les terres pleines de beauté.
Les montagnes étaient remplies de bêtes fauves, les plaines couvertes d’arbres et la terre digne d’être habitée par ceux auxquels la fortune est propice.
Il envoya des vedettes et des espions ponr être garanti de dangers cachés ; on plaça le camp du jeune roi sur les bords del’eau ; le maître du monde s’assit sur son trône d’or, entouré des grands, ses serviteurs et il passa ses nuits, jusqu’au retour de la pure lumière du jour, dans des fêtes qui faisaient sortir les morts de leurs tombes dans la terre noire.
De l’autre côté, Afrasiab, qui se tenait à Gangue, ne cessait ni pendant le jour brillant, ni pendant le temps du sommeil, de dire à tous ses confidents, aux grands pleins de vigilance et de sagesse :
Maintenant que l’ennemi est arrivé jusqu’à notre chevet, comment pourrions-nous rester tranquilles à Gangue ? »
Tous lui répondirent :
Notre ennemi étant proche, nous ne voyons que le combat, car pourquoi nous soumettrions-nous ? »
Ils le dirent, se levèrent et passèrent toute la nuit à mettre en ordre leur armée.
Dernière mise à jour : 19 déc. 2021