Keï Khosrou

Houman provoque Gouderz au combat

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Ensuite Houman partit si impétueusement, qu’on aurait cru que c’était un Div malfaisant.

Il s’approcha, armé pour le combat des héros, de Gouderz fils de Keschwad et s’écria à haute voix :

Ô homme plein d’énergie ! Ô chef de l’armée, vainqueur des Divs !

J’ai entendu raconter tout ce que tu as dit à Khosrou et de quelle manière tu as fait partir ton armée et les recommandations du roi et les paroles et les offres que tu as fait porter au Sipehdar Piran ; comment tu as envoyé dans le camp touranien, en qualité de messager, Guiv ton fils chéri, le soutien de l’armée ; ensuite comment tu as juré par le roi, par le soleil et la lune, par le trône et le diadème, d’anéantir Piran aussitôt que ton œil le découvrirait sur le champ de bataille.

Tu t’es mis à la tête de ton armée comme un lion furieux, tu as appelé la bataille de tous tes vœux ; et maintenant tu t’abrites derrière la montagne tout effaré, comme un argali timide.

Tu ressembles à une bête fauve qui s’enfuit devant un lion et que le lion poursuit courageusement ; elle choisit dans la forêt un coin étroit et a trop peur de la mort pour rechercher la gloire et le renom.

Conduis donc une fois ton armée dans la plaine ; pourquoi la tiens-tu derrière les montagnes ?

Tu te sers de la montagne comme d’un rempart quand il est temps de combattre.

Est-ce là ce que tu as promis à Khosrou ? »

Gouderz lui dit :

Réfléchis à ce que tu dis, pour que tes paroles méritent une réplique.

Personne dans cette armée n’a voulu te répondre et tu me l’imputes dans ton ignorance ; mais sache que c’est l’ordre du roi et que mon serment et mon devoir m’y obligent.

Je suis venu avec une grande armée et de vaillants chefs choisis dans l’Iran, mais vous autres vous vous tenez dans la forêt, comme un vieux renard qui a peur du chasseur ; vous vous fiez aux ruses et aux artifices, mais vous fuyez les massues, les lances et les lacets.

Ne fais pas le brave, ne nous provoque pas, car le renard ne se hasarde pas contre le lion. »

À ces paroles de Gouderz, Houman bondit comme un lion sur le champ de bataille ; à la fin il répondit :

Si tu ne viens pas te battre avec moi, ce n’est pas parce que ce serait au-dessous de toi : car depuis que tu as assisté à la bataille de Peschen, tu as évité de te mesurer avec les Turcs ; tu as souvent éprouvé mon courage dans le combat et m’as loué sur le champ de bataille.

Mais si la chose est comme tu le dis et si tu veux rester fidèle à ta parole, alors choisis un homme de ton armée pour qu’il lutte contre moi sur ce pré.

J’ai défié l”eribourz et llehham comme un vaillant crocodile, j’ai traversé toute ton armée ; mais aucun des héros ne s’est avancé contre moi, car Gouderz leur liait les mains et ce qu’ils me disaient ne valait pas la peine d’être écouté.

Tu es l’homme qui dit qu’au jour du combat il couvrira avec son épée la montagne jaunâtre de tulipes de sang ; viens donc t’essayer contre moi sur ce champ de bataille et venge-toi de moi avec la lourde massue.

Tu as un grand nombre de fils et de héros illustres, tous ceints pour nous combattre : appelles-en un pour qu’il me tienne tête ; si tu es d’humeur si guerrière, pourquoi hésites-tu ? »

Le Pehlewan réfléchit longtemps et se dit :

Qui d’entre les héros doit lutter contre lui ?

Si j’envoie contre Houman un lion furieux choisi parmi les grands, il le tuera sur ce champ de bataille et aucun Turc ne viendra plus se battre ; le Pehlewan Piran tremblera dans sa douleur et il ne se laissera plus entraîner par sa colère à marcher contre nous ; son armée restera dans la montagne de Kenabed et notre main sera malheureuse quand nous irons l’y attaquer.

Et s’il périssait un des grands de mon armée, ma gloire en souffrirait ; le cœur manquerait aux héros dans le combat et dorénavant ils n’oseraient lever la main dans la lutte.

Il vaut donc mieux ne pas le combattre et ne pas lui couper le chemin par une embuscade ; car j’espère qu’ils se fatigueront à attendre et qu’à la fin ils voudront en venir aux mains et feront sortir leur armée de ces passes étroites. »

Il répondit à Houman :

Pars ; tu es vif en paroles et inexpérimenté dans les affaires.

Aussitôt que tu as ouvert la bouche devant moi, je savais ce que tu allais dire et ce que tu voudrais cacher.

N’y a-t-il donc personne parmi les Turcs qui ait du sens et qui sache prendre conseil de ses réflexions ?

Ne sais-tu donc pas qu’un lion furieux ne salit pas, au jour du combat, ses griffes avec le sang du renard ?

Et puis, quand deux armées sont équipées comme celles-ci, quand leurs chevaux secouent leurs têtes orgueilleuses, laissera-t-on deux hommes se battre pendant que le reste des héros se mordraient la main dans leur impatience ?

Il faut faire avancer toute votre armée et frapper en masse.

Retourne maintenant à ton camp ; porte haut la tête devant ton chef ; dis-lui que tu as provoqué les Iraniens, mais qu’ils n’ont fait que soupirer !

Alors ton nom deviendra grand dans votre camp et Piran satisfera tous tes vœux. »

Houman répondit d’une voix terrible :

Qui sont donc vos héros et les chefs de votre armée ?

Le roi, maître du monde a dit un mot dont il me souvient sur ce champ de bataille :

Si tu es tenté de t’emparer du trône des rois, résiste à la tentation ; mais si tu persistes, alors ne détourne pas le visage de devant la flamme.

Tu n’as pas envie de combattre ; mais on ne peut cueillir des roses sans rencontrer des épines.

Tu n’as pas un seul homme au cœur de lion qui veuille se mesurer avec moi devant les deux armées et tu tâches de m’éloigner par une ruse ; mais si tu me connaissais, tu saurais que je ne suis pas homme à me laisser tromper par toi. »

Tous les grands avides de combats dirent à Gouderz :

Ceci n’est pas raisonnable.

Envoie l’un de nous sur le champ de bataille contre ce Turc qui nous défie. »

Mais Gouderz leur répondit :

Aujourd’hui personne ne doit le combattre. »

Houman était las de parler ; il se mit en colère comme un vaillant lion, tourna le dos au Sipehbed en ricanant, courut vers la garde du camp, banda son arc, frappa quatre cavaliers et les jeta sur le pré.

Lorsque la garde du camp vit que ce fier Touranien les frappait de loin, elle lui laissa la route libre et s’enfuit sans essayer de l’attaquer.

Houman s’élança vers les hauteurs comme un homme ivre et la montagne s’abaissait sous les cris qu’il poussait ; il faisait tournoyer sa lance au-dessus de sa tête, en s’écriant :

Houman est le héros victorieux. »

Le son des trompettes d’airain s’éleva de la plaine et monta dans les airs ; et les braves de l’armée des Turcs frottèrent, dans leur joie, leurs casques contre le cercle de la lune.

Gouderz voyant Houman partir si triomphalement, frémit de cette bravade, son cœur fut accablé de honte et cette indignité le remplit de colère et d’impatience.

Il était si honteux devant les braves que la sueur coulait sur lui ; mais il tira un présage heureux de ce qui se passait, disant :

Ce sont eux qui ont commencé à verser du sang et malheur à ceux qui commencent le mal. »

Il regarda les héros qui portaient haut la tête, pour voir qui d’entre eux s’avancerait au combat.

Dernière mise à jour : 19 déc. 2021