Dans le camp des Turcs, le vaillant Houman se rendit, furieux comme un lion, auprès de son frère et lui dit :
Ô Pehlewan du noble Afrasiab, nous nous impatientons sur cette plaine.
Voici le septième jour que tant de cavaliers sont armés pour le cOmbat ; le fer ronge nos flancs, le désir de la vengeance nos âmes ; nos yeux sont toujours dirigés vers le pays d’Iran.
Qu’as-tu donc, que tu regardes face à face nos ennemis ?
Quelles pensées nourris-tu dans ton cœur ?
Dis-le-moi.
Si tu veux combattre, livre un combat ; si tu veux te retirer, ne reste pas ici ; car, ô Pehlewan, ton honneur en souffre et tu apprêtes à rire aux jeunes et aux vieux.
Tu as devant toi ces mêmes hommes qui se sont enfuis devant nous dans la bataille, déshonorés et les joues pâles ; nous avions battu leur armée et teint de leur sang la terre entière comme une rose.
Nous n’avons pas perdu un seul de nos illustres cavaliers et Rustem n’est pas le Pehlewan de cette race.
Si tu ne veux pas répandre toi-même du sang, si tu ne veux pas lancer l’armée au combat, choisis une troupe parmi nos braves, confie-la-moi et regarde ce qui se passera sur ce champ de bataille. »
Piran répondit à ces paroles de Houman :
Ne va pas si vite et ne t’emporte pas.
Sache, ô mon frère, que le guerrier qui s’est avancé contre nous avec une armée est l’élu des grands de la cour de Kei’ Khosrou, le chef de ses héros et un Pehlewan.
D’abord Keï Khosrou porte, devant tous les peuples, la tête plus haut que mon roi ; ensuite je ne connais aucun Pehlewan du roi qui soit ’égal de Gouderz en rang, qui soit aussi fier, aussi brave, aussi prudent dans les projets, aussi sage dans les conseils.
En outre son cœur est navré de douleur, son âme est remplie du désir de venger la mort de ses fils nombreux, que j’ai laissés privés de leurs têtes, sur un sol que j’ai teint de leur sang tout autour.
Aussi longtemps que son âme habitera son corps, il ne cessera de se tordre comme un serpent pour en tirer vengeance.
Enfin il a concentré son armée entre deux montagnes ; et de quelque côté que tu te tournes, tu ne peux l’attaquer ; songe qu’il n’y a pas d’espace pour livrer balaille.
Il faut faire ce que nous pourrons pour les amener à quitter le pied des montagnes ; il faut espérer qu’ils se fatigueront et s’impatienteront et qu’ils s’avanceront les premiers au combat.
Aussitôt que Gouderz aura laissé derrière lui les montagnes, je ferai pleuvoir sur lui une pluie sinistre.
Nous élèverons autour d’eux un mur d’acier ; pareils à des lions féroces, nous leur arracherons la vie, nous en ferons ce que nous voudrons et notre nom s’élèvera jusqu’au soleil.
Tu es le soutien des braves. le chef de l’arinée du roi ; tu portes ton diadème plus liant. que le
cercle de Salume : comment donc un homme qui n’a plus besoin de conquérir un grand nom se laisse-t-il agiter par la passion ?
Du reste, aucun des grands de l’Iran ne se présenterait pour combattre le léopard rugissant ; Gouderz choisirait parmi ses guerriers quelque inconnu, quelque homme ambitieux de se mesurer avec un brave et l’enverrait se battre contre toi.
Eh bien, quand tu enroulerais devant lui la surface de la terre, ton nom n’en deviendrait pas plus grand et les Iraniens n’en souffriraient aucun dommage ; tandis que nos vaillants Turcs perdraient courage, si ton ennemi parvenait à verser ton sang. »
Houman écouta attentivement ces paroles ; mais il était persuadé que Piran agissait follement et il répondit :
Aucun des cavaliers de l’Iran n’osera se mesurer avec moi.
Ta nature te porte vers la clémence, mais moi je suis avide de combats.
Puis donc que tu n’as pas envie de livrer bataille, puisque le feu du courage est éteint dans ton cœur, je m’en vais seller mon destrier rapide et à l’aube du jour je provoquerai un combat. »
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021