Guiv quitta son père et ayant imprimé dans sa mémoire les paroles amères de Gouderz, il partit pour Balkh.
Il s’y arrêta et envoya un messager devant lui, comme son père le lui avait ordonné ; dès la nuit même il réunit son escorte, sortit de Balkh et se rendit à Wisehguird, ville dont Piran, qui ambitionnait le diadème et le trône de l’Iran, était le maître.
Lorsque le messager arriva auprès de Piran et qu’il vit le chef de l’armée des Turcs, il lui annonça que Guiv s’était rendu à Balkh, accompagné de grands et de vaillants héros.
Piran écouta avidement ces paroles, les braves de son armée poussèrent des cris ; il fit sonner les trompettes d’airain, apprêter les timbales et les sabots des chevaux rendirent la terre noire comme l’ébène.
Cent dix mille cavaliers de son armée se rassemblèrent prêts à combattre ; il en laissa les deux tiers à Wisehguird et partit en emmenant les plus expérimentés.
Arrivé au Djihoun, il campa son armée sur les bords du fleuve et vit sur la rive opposée un mur de lances ; il y vit l’armée de Guiv fils de Gouderz.
Piran et Guiv négocièrent pendant deux semaines pour empêcher qu’on n’en vint aux mains follement.
Les Iraniens alléguèrent des raisons de toute espèce et 3&3 Piran les écouta ; mais la mauvaise foi des Turcs se montra bientôt.
Pendant que les grands de l’Iran déployaient leur éloquence et les pressaient de paroles, Piran dépêcha en toute hâte un cavalier vers Afrasiab et lui fit dire :
Gouderz fils de Keschwad, à la tête de son armée, abrite sous son casque le trône de l’Iran ; il a envoyé auprès de moi son fils chéri, l’homme le plus puissant de son pays : mais mon oreille n’est ouverte qu’à tes ordres et ma vie t’est garant de mon obéissance. »
Le roi du Touran ayant reçu ce message, choisit une armée de braves, envoya à Piran trente mille cavaliers prêts à frapper de l’épée et lui fit dire :
Tire l’épée de la vengeance ; délivre des Iraniens la surface de la terre.
Il ne faut laisser en vie ni Gouderz, ni Guiv, ni Rehham, ni Gourguin, ni le vaillant Ferhad ; car il se réunit de tous côtés au- tour de moi un grand nombre de cavaliers, tous avides de conquérir le trône de l’IranJe vais amener les cavaliers turcs et convertir tout le pays d’Iran en un torrent de sang ; et en suivant les conseils des sages et des braves, je détruirai cette fois-ci Khosrou. »
Lorsque Piran vit ces troupes nombreuses, tout altérées de sang comme des loups et qu’il se sentit en force, il ne respira plus que le combat, rejeta de son cœur toutes les vertus et s’abandonna à sa violence ; cet homme, naturellement bon, devint féroce ; il poussa des cris et ne songea plus qu’à livrer bataille ; il dit à Guiv :
Lève-toi et pars ; retourne auprès du Pehlewan de ton armée ; engage-le à ne pas exiger de moi ce que les sages ne sauraient approuver.
Car il me demande d’abord de lui livrer quelques-uns de nos grands et de nos héros ; comment cela serait-il possible ?
Ensuite tu veux que je me dépouille, que je lui envoie mes armes, mes troupes, mes nobles chevaux, mon trône et ma couronne, mon frère qui m’est cher comme la vie, mon fils chéri qui est mon Pehlewan.
De si sottes paroles peuvent-elles venir de Khosrou ?
J’aimerais mieux la mort qu’une vie où moi qui suis prince je serais un esclave.
Un léopard qui avait à combattre un vaillant lion, a dit :
Qu’il verse mon sang dans le combat, cela vaut mieux que de vivre dans la honte.
D’ailleurs j’ai reçu un message du roi et une armée est déjà arrivée à laquelle il a ordonné de livrer bataille. »
Guiv ayant reçu cette réponse, partit avec son cortège et les héros illustres ; et le Sipehdar Piran, aussitôt que Guiv l’eut quitté, se prépara au combat en poussant le cri de guerre.
Il se mit en marche ; et arrivé à Keuabed, il fit descendre son armée jusqu’au pied de la montagne.
Dernière mise à jour : 19 déc. 2021