Lorsque le soleil entoura la voûte d’azur d’une enceinte de brocart jaune, on entendit la sentinelle qui cria à Gouderz :
Ô Pehlewan de l’armée, des troupes s’approchent et sont près de nous, la poussière qu’elles soulèvent assombrit le jour.
Gouderz bondit, fit amener son destrier rapide, se dirigea vers la poussière noire et dévora la route dans l’impatience de son cœur.
Quand il fut près de l’armée, il vit le drapeau de Feribourz fils de Kaous, qui commandait l’avant-garde des Iraniens.
Gouderz l’aimait, c’était son parent et un jeune capitaine.
Le vieux Gouderz mit pied à terre et de même Feribourz, la gloire de l’armée, le sage ;
Ils s’embrassèrent et Gouderz versa des larmes de sang sur sa poitrine.
Feribourz lui dit :
Ô vieux Sipehdar, tu es donc forcé de combattre sans cesse.
Le sang de Siawusch te porte malheur.
Hélas !
Ces cavaliers de la famille de Gouderz !
Puisses-tu recevoir d’eux beaucoup de bonnes nouvelles !
Puisse la fortune de tes ennemis baisser !
Grâces soient rendues au maître du soleil et de la lune de ce que je te trouve ici en vie !
Gouderz versa des larmes de sang sur le sort de ceux qui étaient morts et que la terre recouvrait et répondit à Feribourz :
Ma mauvaise fortune ne cesse pas de répandre du malheur sur ma tête ;
Cette guerre ne m’a laissé ni fils, ni petit-fils, ni armée, ni drapeau, ni tambour.
Mais je ne veux pas me rappeler les luttes passées, car la guerre et le danger sont devant nous.
Cette plaine et ces collines sont couvertes d’une armée telle que la surface de la terre ressemble au plumage du corbeau et toutes les troupes de Thous ne sont auprès d’elle que comme un poil noir sur la peau d’un taureau blanc.
Ils sont venus de la Chine et du pays de Seklab, de l’Inde et du Roum, des déserts et des pays habités ;
Enfin il n’est pas resté un être vivant qui n’ait pris les armes contre nous.
Mais tant que tu ne me diras pas où est Rustem, je resterai courbé sous le poids de mes soucis.
Feribourz lui répondit :
Il me suit et ne désire que le combat !
Il marche pendant la nuit sombre et pendant le jour et ne s’arrête pas sur la route.
Maintenant où trouverai-je un lieu de campement pour y conduire ma petite armée ?
Gouderz lui demanda :
Quels sont les ordres de Rustem ?
Car il ne faut pas me cacher ses paroles.
Feribourz lui répondit :
Ô homme plein d’expérience, Tehemten nous a défendu de nous battre et m’a dit :
Vous resterez au camp et ne vous mettrez pas en évidence ;
Vous vous reposerez sur le champ de bataille jusqu’à ce que mon drapeau soit en vue.
Gouderz et Feribourz se remirent en marche et prirent en toute hâte le chemin du Hemawen.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021