À ces paroles le farouche Turc trembla et poussa 9,8 un soupir ; ensuite il s’écria avec colère :
Ô grands du Touran, est-ce ici un champ de bataille, ou une salle de festin ?
Il faut que vous combattiez de toutes vos forces et je comblerai vos vœux, je vous donnerai des trésors. »
Les héros du Touran répondirent à ces paroles de leur chef par un cri de guerre ; la poussière obscurcit tellement le soleil qu’on eût dit que le monde était noyé dans l’eau.
On attacha sur le dos des éléphants les timbales d’airain ; les clairons et les trompettes résonnèrent ; les héros formaient avec leurs cuirasses, sur la surface de la terre, un mur de fer ; la plaine tremblait et les échos de la montagne répondaient aux cris des cavaliers des deux armées ; les flèches et les épées brillaient au milieu de la poussière comme le soleil au milieu d’un brouillard ; il pleuvait des coups de massue sur les casques et les morions ; il en pleuvait sur les cuirasses comme une grêle qui tombe ; la face brillante du soleil pâlissait devant le drapeau de Rustem à figure de dragon ; la poussière que soulevaient les éléphants dérobait le ciel à la vue ; tu au- rais dit qu’elle couvrait le soleil d’une couche d’indigo.
Partout où Rustem lançait Raksch il tranchait les têtes des grands ; il tenait en main une massue à tête de bœuf ; il ressemblait à un dromadaire qui a rompu son licou.
Il se jeta sur le centre des Touraniens, semblable à un loup et dispersa cette grande armée.
Aschkesch accourut de l’aile droite, vite !
Comme le vent et impatient de combattre Guersiwez toujours prêt à frapper de l’épée ; Gourguin, Rehham et le vaillant Ferhad firent plier l’aile gauche de l’armée du roi des Turcs ; et au centre Bijen à la main prompte, ne retenant plus son ardeur pour le combat, fit tomber les têtes des grands comme des feuilles que le vent arrache d’un arbre et tout fut fini pour eux.
Le champ de bataille n’était plus qu’un torrent de sang ; le drapeau du chef des Touraniens était abattu ; et Afrasiab, voyant que la fortune l’avait abandonné, que tous ses braves avaient péri, jeta l’épée indienne qu’il tenait en main, monta sur un cheval frais et s’enfuit lui et ses grands vers le Touran, sans avoir vaincu les Iraniens et s’en être vengé.
Rustem le vainqueur des lions le suivit l’espace de deux farsangs, faisant pleuvoir sur les Touraniens des coups de massue et des flèches, semblable à un dragon en fureur qui brûlerait les hommes avec son haleine.
Mille vaillants cavaliers touraniens furent faits prisonniers à la suite du combat ; Rustem revint du champ de bataille au camp pour distribuer le butin à son armée.
La distribution faite, il fit charger les bagages sur les éléphants et partit triomphant pour se rendre à la cour du roi.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021