Keï Khosrou

Combat de Khosrou avec Schideh fils d'Afrasiab

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Lorsque le voile azuré du ciel fut éclairé et que le monde fut devenu semblable à un joyau jaune, le vaillant Pescheng, la tête remplie du vent de la jeunesse, ne respirant que les combats, monta à cheval ; il couvrit sa poitrine brillante d’une cuirasse ; il plaça sur sa tête un casque royal de fer, mit son drapeau dans la main d’un Turc courageux et se rendit fièrement sur le champ de bataille.

Lorsqu’il fut arrivé auprès des Iraniens, un des grands accourut vers le roi et lui dit :

Un cavalier s’est avancé entre les deux armées, haut la tête, poussant des cris et l’épée à la main.

Ce guerrier illustre et prompt à frapper demande qu’on annonce au roi que Pescheng est arrivé. »

Le roi sourit et demanda sa cotte de mailles ; il éleva droit en l’air l’étendard, signe de son pouvoir, plaça un casque d’or sur sa tête et remit son étendard à Rehham fils de Gouderz.

Tous ses braves étaient dans l’angoisse et dans les larmes ; ils étaient comme si un feu ardent les consumait et il s’éleva au milieu d’eux un grand cri : Ô roi !

Ne fatigue pas ton corps de cette armure de fer.

La place des rois est sur le trône ; que celui qui te force de revêtir cette armure de combat ne trouve d’autre demeure que dans la terre noire ; [t3 que nul de ses desseins ne lui réussisse ! »

Le roi, armé de sa cuirasse, de sa massue et de son casque, leur envoya le message suivant :

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Que personne ne quitte le camp royal, ni la droite ni la gauche, ni le centre ni ses ailes ; que personne ne recherche le combat ni ne s’agite ; que tous obéissent à Behham fils de Gouderz.

Quand le soleil sera arrivé au faîte du ciel, vous irez voir sur qui le malheur est tombé et si vous trouvez que c’est Pescheng qui est vainqueur, Rustem aura la direction de la s guerre ; soyez tous devant lui comme des esclaves obéissants et vous trouverez bientôt un remède à votre douleur ; car les moyens de salut et les combats sont faciles pour une armée qui a un chef comme lui.

Ainsi ne laissez pas vos cœurs se resserrer : tel est le commencement et la fin des guerres, que tantôt on est en haut et tantôt en bas, tantôt on est dans la joie et tantôt dans la terreur. »

Il lança Behzad, son cheval couleur de nuit, qui aurait roulé devant lui le vent, tant il allait vite.

Il portait une lance, un casque et une cuirasse et la poussière que soulevait son cheval montait aux nuages.

Schideh, qui se tenait entre les deux camps, l’aperçut ; il poussa de sa poitrine un grand soupir et lui dit :

Tu es le fils du noble Siawusch, ô homme sage et admiré !

Tu es le petit-fils du chef de l’armée de Touran, dont le casque froisse la sphère de la lune ; mais tu n’agis pas comme on devrait l’attendre d’un homme qui a de l’expérience et qui a été nourri par la sagesse ; car si tu avais du sens, tu ne serais pas si impatient d’attaquer le frère de la mère.

Mais si tu veux combattre, éloigne-toi des armées ; choisis un lieu écarté, pour que ni Iraniens ni Touraniens ne nous voient, car nous ne vouions pas d’amis ni d’aides. »

’ Le roi lui répondit :

Ô lion qui déchires dans le combat !

Je suis le fils de cet innocent Siawusch qui fut tué par le roi et mon cœur est ulcéré ; je suis venu sur cette plaine pour me venger,’et non pas pour conquérir un trône et un sceau.

Tu m’as provoqué au combat, moi seul de tous, comme tu en avais pris l’engagement devant ton père ; lu m’as provoqué et personne n’est d’un rang assez élevé pour que j’ose l’envoyer à la rencontre.

Maintenant désigne un champ de bataille loin de nos armées.

Ils convinrent que des deux côtés personne ne viendrait à leur aide et ne prendrait part au combat et qu’aucun malheur ne devait assombrir les jours de leur porte-étendard.

Ils s’éloignèrent ensemble de leurs armées, joyeux comme des hommes qui vont à une fête et choisirent, dans une plaine propre au combat et faisant partie du désert de Kharizm, un lieu si stérile et si dépourvu d’eau que les lions et les léopards n’y mettaient pas le pied, que les aigles n’y traversaient pas le ciel ; c’était en bas un désert stérile, en haut un mirage.

La ils commencèrent un grand combat : c’étaient deux chevaux et deux braves semblables à des loups, deux cavaliers pareils à des lions affamés et pleins de rage au jour de la chasse.

Ils s’attaquèrent avec leurs longues lances et lorsque le soleil devint plus ardent dans le ciel, leurs lances n’avaient plus de fer et les caparaçons et les rênes de leurs chevaux étaient trempés de sueur.

Ils se combattirent alors impitoyablement avec les massues de Roum, avec les flèches et les épées ; la terre devint noire du sang des cavaliers, mais ils ne sentirent pas de fatigue sur le champ de bataille.

Lorsque Schideh vit le courage et la force de Khosrou, les larmes tombèrent de ses cils sur ses joues et il reconnut que cette puissance était le don de Dieu et qu’il ne lui restait qu’à pleurer sur sa propre perte.

Son cheval était épuisé par la soif et il sentait lui-même faiblir ses forces.

Dans cette détresse il réfléchit et se dit :

Si je proposais au roi de mettre tous les deux pied à terre pour lutter et nous couvrir de sueur, il refuserait un genre de combat qu’il trouverait honteux et qu’il croirait indigne d’un roi.

Et pourtant, si je ne réussis pas à lui échapper de la sorte, je me trouverai infailliblement dans la gueule du dragon.

Alors, il dit :

Ô roi !

Tout le monde se bat avec l’épée et la lance et manie en même temps les rênes ; mais il vaudrait mieux nous combattre à pied et nous attaquer comme des lions. »

Khosrou, le maître du monde, Â)

Fifi comprit à l’instant la pensée de son ennemi ; il se dit en lui-même :

si je laisse partir ce lion avec sa force et ses griffes, ce descendant de Feridoun, ce petit-fils de Pescheng, il abattra bien des têtes, il effrayera bien des héros au cœur de lion et si j’accepte le combat à pied, j’affligerai les Iraniens.

Rebham lui dit :

Ô toi qui portes la couronne !

Ne déshonore pas ta famille par une telle action.

Si Khosrou se bat à pied, pourquoi alors y a-t-il tant de cavaliers sur cette plaine ?

Si quelqu’un doit mettre pied à terre, me voici, moi qui suis de la race de Keschwad ; reste ici, pour que je m’avance contre lui, prêt au combat ; tu es le roi, le maître du monde qui porte haut la tête. »

Le roi répondit à Rehham :

Ô mon ami, ô vaillant Pehlewan !

Schideh est un héros de la famille de Pescheng ; sache donc qu’il ne voudra pas se battre avec toi ; ensuite, tu n’es pas de force à lui résister, car les Turcs n’ont pas de chef comparable à lui.

C’est un brave de la race de Feridoun et jamais mère n’a mis au monde un fils aussi vaillant ; ce n’est donc pas une honte pour moi de marcher à lui et nous allons livrer à pied un combat de léopards. »

De l’autre côté,l’interprète de Schideh s’approcha de lui et lui dit :

Eloigne-toi plutôt que d’attendre le mal que te fera ton ennemi.

Tu n’as d’autre parti que de t’en retourner, car tu ne peux résister à Khosrou.

S’enfuir à temps devant l’ennemi vaut mieux que d’affronter les coups et le bruit et le tumulte de la bataille. »

Schideh répondit à son illustre interprète :

Il ne convient pas aux braves de se cacher.

Sache que, depuis que j’ai pris les armes, j’élève ma tête jusqu’au soleil ; jamais je n’ai vu sur un champ de bataille un héros aussi fort, aussi glorieux, aussi vaillant que Schideh ; mais il vaudrait mieux pour moi être mis au tombeau que de fuir, une fois que j’ai commencé le combat.

Nous ne pouvons nous soustraire à la rotation du ciel, quand même nous poserions le pied sur les yeux du dragon ; et si je dois mourir ici de sa main, ni un ennemi ni un ami ne peut me préserver.

Je sais d’où viennent cette force et cette bravoure : c’est la grâce de Dieu qui repose sur ce héros illustre.

Peut- être, étant à pied, le vaincrai-je et dans ce combat verserai-je son sang par torrents. »

Le roi du monde dit à Schideh :

Ô héros de la race des grands !

Certes il n’y a jamais eu un homme de la famille des Keïanides qui ait combattu à pied ; néanmoins, si tel est ton désir, je ne refuse pas de te satisfaire.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021