Lorsque le soleil posa ses doigts sur le dos du taureau qui supporte le monde et que le chant de l’alouette s’éleva de la plaine, il sortit un cri de la tente de Kamous qui était avide de carnage et de marcher le premier.
Il rassembla ses troupes et leur donna des cuirasses ;
Son cœur était plein d’ardeur pour le combat et sa tête remplie de vent.
Il portait une cotte de mailles au lieu de robe, un casque au lieu de diadème, une cuirasse au lieu de tunique ;
Il choisit parmi les braves une troupe couverte de brocart et de fer ;
On ne voyait plus de chemin d’une mer à l’autre, à cause de la poussière et des épées et des cuirasses.
Le cri de la sentinelle avertit les Iraniens qu’une armée s’approchait de l’occident et que le drapeau du Sipehbed au corps d’éléphant, qui précédait les troupes, était visible.
D’un côté l’armée du Touran rendait l’air noir comme un nuage.
Son chef était un cavalier semblable à un bloc de rocher ;
Il faisait trembler la terre sous le sabot de son cheval ;
La tête de sa massue était grosse comme la tête d’un buffle ;
Il était précédé de cavaliers armés de lances et le gros de son armée le suivait ;
Sa massue, appuyée contre son bras et son épaule, semblait bouillonner d’impatience ; son aspect frappait de stupeur.
De l’autre côté Thous le Sipehdar de l’Iran fit retentir le ciel du son des timbales ;
Lorsqu’il entendit le cri de la sentinelle, il fut content et heureux, se rendit auprès de Gouderz fils de Keschwad, envoya un cavalier auprès de Feribourz et lui fit dire :
Les Touraniens s’avancent pour livrer bataille ;
Ils ont formé leurs rangs et nous serrent de près.
Il ne faut pas qu’ils puissent se jeter sur nous en masse et nous détruire isolément.
Agis donc comme il convient à un homme de ta race ;
Car tu es un prince et ton père est un roi.
La poussière que soulève Tehemten paraît sur la route et il va arriver sur le champ de bataille.
Feribourz réunit son armée de héros à celle de Zengueh, de Thous et de Guiv ;
Ils rangèrent leurs troupes sur les hauteurs et parèrent leurs drapeaux fortunés.
Lorsque les deux ailes furent alignées et que la réserve, le centre et les bagages furent placés, les trompettes sonnèrent et l’armée s’ébranla, semblable au ciel étoilé.
Kamous de son côté se voyant en présence de l’ennemi, ne s’arrêta pas un instant dans la plaine ;
Il mit en mouvement son armée, pareille à un torrent qui d’une montagne se précipite dans une rivière et l’amena devant le Hemawen.
L’air s’obscurcit et la terre disparut sous cette armée.
Lorsque Kamous fut tout près des Iraniens, il leva la tête vers la montagne et leur dit en souriant :
Vous n’avez eu jusqu’à présent qu’un faible adversaire ;
Mais maintenant vous avez affaire à une armée et à un chef ardent et non plus à Piran et à Houman, ni à leurs troupes.
Vous avez amené de l’Iran une armée avide de combats qui va se mesurer avec moi et vous allez voir ma poitrine, mes bras et ma stature, mon épée tranchante et ma massue.
Guiv entendit ces paroles ; il bondit de colère et tira son épée et se dit en voyant Kamous devant lui :
Il n’y a qu’un éléphant furieux qui soit l’égal de cet homme !
Il tira son arc de l’étui et le banda ;
Il invoqua l’aide de Dieu de qui vient le bonheur et fit pleuvoir sur Kamous des flèches que jetait son arc, comme un nuage de printemps verse de la pluie.
Quand Kamous sentit comment cette main lançait des flèches, il couvrit sa tête de son bouclier et semblable à un loup, il s’avança à travers les morts qui jonchaient la terre et la grêle de traits qui remplissait l’air.
Ayant atteint son ennemi, il le frappa de sa lance à la ceinture.
Le coup de cette lance au fer brillant fit chanceler Guiv sur la selle et Kamous tira promptement l’épée du fourreau, poussa un cri, proclama son nom, se jeta en fureur sur le cavalier et avec son épée lui coupa sa lance en deux.
Du centre de l’armée Thous considérait avec inquiétude ce combat des braves ;
Il savait que Guiv n’était pas l’égal de Kamous et que celui-ci n’avait d’autre rival dans le maniement de la lance que lui-même.
Il quitta son poste en poussant des cris et accourut prendre part au combat pour aider Guiv.
Kamous secoua les rênes et se jeta entre les deux braves pour lutter contre eux ;
Il frappa de sa lance le cheval de Thous sur la tête et l’armée du Touran fit entendre ses clairons et ses timbales.
Le cheval de Thous fit un bond et s’abattit ;
Le Sipehbed invoqua le nom de Dieu sur lui et s’avança vers Kamous a pied et une lance en main, à la vue de l’armée.
Ils étaient deux nobles héros contre un seul cavalier, mais le brave de Kaschan ne se découragea pas et ils remplirent la plaine du tumulte de leur combat jusqu’à ce que les ténèbres eussent remplacé le soleil.
Mais lorsque la plaine fut devenue noire comme l’ébène, Kamous et Thous se séparèrent ;
Les deux armées rentrèrent sous leurs tentes ;
L’un des combattants s’en retourna vers la plaine, les deux autres revinrent dans la montagne.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021