Le cheval de Guiv s'arrete
Lorsque Rouïn fils de Piran vit de l’arrière-garde le vaillant Guiv qui s’avançait rapidement, il quitta les derrières de la puissante armée, accompagné de héros qui ressemblaient à des loups et s’élança comme un léopard en fureur ; mais ayant fait de vains efforts pour pénétrer jusqu’au fort de la mêlée, il jeta son épée indienne et s’en retourna désespérant de la bataille.
Le Sipehdar Piran et quelquesuns des siens restèrent à leur poste étourdiment.
Guiv aperçut Piran, poussa son destrier contre lui et avec sa lance jeta à bas de leurs chevaux quatre d’entre les grands qui entouraient le chef des Touraniens.
Piran fils de Wiseh banda son arc et fit pleuvoir des traits sur son ennemi.
Le vaillant Guiv se couvrit la tête de son bouclier et s’avança la lance en main, comme un loup ; mais au moment où il allait atteindre Piran le chef de l’armée et le combattre avec la lance, son cheval s’arrêta surplace et refusa de faire un pas de plus.
Dans sa colère le héros illustre frappa son coursier avec un fouet ; il bouillonnait de rage et ouvrant les lèvres, il maudissait ce Div infâme qui le perdait.
Ensuite, il jeta sa lance, saisit son arc et protégea sa tête avec un bouclier couvert de peau de loup ; il banda l’arc et tendit les muscles de sa poitrine, dans l’espoir de clouer la main de Piran à son bouclier.
Il lui lança A à la tête une flèche à quadruple bois de peuplier, mais elle ne blessa pas ce brave.
Ensuite, il décocha contre le cheval du héros une flèche à triple bois, une flèche qui devait traverser une cuirasse ; mais ni le cheval ni le vaillant Piran ne furent blessés.
Dans ce moment les compagnons de Guiv s’approchèrent et la rage de Piran s’accrut lorsqu’il les aperçut.
Il s’élança sur Guiv comme un tourbillon de poussière ; car il savait que s’il parvenait à le blesser, il serait sûr de disperser son armée vaillante.
Mais Guiv, rapide comme la fumée, lui enleva d’un coup de lance le casque de dessus la tête.
Néanmoins Piran ne fut pas blessé et le cœur de Guiv en fut désolé.
Bijen accourut vers son père et lui dit :
Ô mon illustre et fortuné père, j’ai entendu dire au roi que Piran livrera encore beaucoup de batailles et qu’au jour du danger il échappera encore aux griffes de beaucoup de dragons avides de combats, mais qu’à la fin son sort s’accomplira par la main de Gouderz.
Ne te donne donc pas une peine inutile, ô mon père ; son temps n’est pas encore venu : pourquoi le poursuivrais-tu avec tant de passion et de persévérance ? »
»
Les compagnons de Guiv arrivèrent : ces illustres héros étaient furieux ; et Piran les apercevant, tourna le dos à Guiv et se dirigea vers son armée.
Quand il arriva auprès de Lehhak et de Ferschidwerd, il poussait des cris de douleur et ses joues étaient pâles ; A et il leur dit :
Ormes illustres fières, mes vaillants compagnons, toujours prêts à frapper de l’épée, c’est pour un jour comme celui-ci que je vous ai élevés entre mes bras.
À peine notre armée s’est-elle avancée au combat que nos ennemis ont rendu le monde noir devant nous et je ne vois personne qui veuille se mettre à la tête de nos troupes pour acquérir de la gloire et du renom. »
À ces paroles les cœurs des héros illustres bondirent d’envie de combattre ; ils accoururent en disant :
Si nos âmes sont menacées du déshonneur, quel souci pourrions-nous avoir de nos corps ?
Nous avons boutonné les pans de nos cottes de mailles et ce serait une honte de défaire nos ceintures pendant que dure ce combat. »
Lehhak et Ferschidwerd s’avancèrent contre Guiv pour l’attaquer.
Le vaillant Lehhak s’approcha de lui et le frappa de sa lance à la ceinture ; il voulait l’enlever de selle et le jeter sur la terre la tête en bas.
Le coup de lance fut si fort qu’il déchira la ceinture, mais le pied de Guiv ne quitta pas l’étrier.
Guiv à son tour frappa de sa lance le cheval de Lehhak et ce destrier tomba par l’excès de la dou-leur.
Le vaillant Lehhak se trouva à pied et privé de monture ; mais Ferschidwerd accourut de loin, porta, aussi prompt que le vent, un coup d’épée sur la lance de Guiv et la coupa en deux sans peine.
Étonné de ce coup d’épée, Guiv saisit sa lourde
A massue et en frappa ce dragon sur l’épaule, de sorte que l’épée de Ferschidwerd lui échappa des mains et aussitôt Guiv le frappa encore sur la nuque ; c’était comme s’il avait fait pleuvoir du feu sur son corps : la douleur fit sortir des torrents de sang du cœur de Ferschidwerd, son corps s’afl’aissa, sa tête se troubla.
Pendant que Guiv était occupé de cet ennemi, Lehhak sauta, rapidement comme un tourbillon de fumée, sur un cheval aux pieds de vent ; et les deux héros, semblables à des lions, attaquèrent Guiv de nouveau avec la lance et la massue.
Que de coups de massue il plut sur lui des mains des vaillants héros !
Mais il resta assis sur sa selle de bois de peuplier et cette lutte ne lui parut qu’un jeu.
Quand Lehhak et Ferschidwerd virent comment cet homme ail cœur de lion leur résistait, ils se dirent dans leur colère :
L’Iran nous porte malheur.
C’est donc un éléphant qui est assis sur cette selle et il n’y a qu’un lion qui puisse lui déchirer la peauun Guiv de son côté se fit donner par ses compagnons une autre lance et se mit à tourner à droite et à gauche, assaillant les Jeux frères de tous côtés, mais sans pouvoir abattre aucun des deux.
Il se dit à lui-même :
Il m’arrive une chose étrange avec ces deux braves avides de combat ; ce ne sont pas des chefs de l’armée du Touran qui m’attaquent, ce sont des Divs du Mazenderan. »
À la droite de Guiv arriva Gourazeh comme un tourbillon de poussière, pour combattre Ferschidwerd ; il tenait en main une massue d’acier de Roum semblable à une colonne et était assis sur un destrier puissant comme un dromadaire : au moment où il étendait la main sur le Turc plus rapidement que le vent, celui-ci, qui l’avait observé, se baissa sur la selle et le frappa de sa lance à la ceinture ; mais la ceinture était de mailles de fer et ne se rompit pas.
Bijen, l’épée en main, se porta comme un lion au secours du vaillant Gourazeh et donna un coup d’épée sur le haut du casque de Ferschidwerd, qui combattait comme s’il avait voulu fendre la terre.
Bijen allait le prendre par son casque avec la main droite ; mais Ferschidwerd se jeta à bas de son cheval et Bijen ne réussit pas dans sa tentative.
Derrière Bijen arriva en courant Gustehem avec d’autres grands de l’Iran : ils fondirent sur l’armée du Touran, l’âme blessée et avides de vengeance.
Du côté des Touraniens, Anderiman accourut en bondissant sur le terrain : il assena à Gustehem un coup de massue qui aurait dû lui briser les reins ; la massue rencontra l’épée de l’Iranien et fut coupée en deux, mais le cœur de Gustehem se remplit de terreur.
Hedjir vola au secours des héros et fit pleuvoir sur Anderiman une pluie de flèches.
Un de ces traits traversa la selle et les caparaçons du cheval, qui tomba mort ; le vaillant cavalier fut jeté à terre, mais il se couvrit la tête avec son bouclier et se releva tout meurtri.
Un pri de douleur s’éleva de tous les
8, rangs des Turcs ; ils se précipitèrent vers lui comme des Divs et réussirent à le tirer de la mêlée et à l’éloigner du front de l’armée.
Depuis l’aube du jour jusqu’à ce que la nuit descendît de la montagne, les cavaliers de l’Iran et l’armée du Touran firent voler la poussière du combat et imprégnèrent la terre de sang ; les chevaux et les hommes tombaient en défaillance et leurs bouches restaient béantes tant ils avaient crié et fait de bruit.
Dernière mise à jour : 11 sept. 2021