Keï Khosrou

Combat de Djinghisch avec Rustem

...

Un cavalier plein d’orgueil et dévoué au roi se présenta pour tenter cette aventure ;

Cet ambitieux se nommait Djinghisch ;

Il était brave et prêt à tout entreprendre.

Il dit au Khakan :

Ô toi qui portes haut la tête, toi de qui le monde entier attend les faveurs !

Quoique cet homme soit un lion rugissant, je le priverai de la vie aussitôt que je paraîtrai sur le champ de bataille ;

Je l’attaquerai seul ;

je ternirai sa gloire.

Je désire être le premier qui venge Kamous, qui remette en honneur son nom après sa mort.

Le Khakan de la Chine le combla de louanges ;

Djinghisch baisa la terre devant lui et le Khakan lui dit :

Si tu accomplis cette vengeance, si tu m’apportes cette tête superbe, je te donnerai tant de joyaux et de trésors que tu n’auras plus besoin de te fatiguer.

Djinghisch lança aussitôt son cheval et courut semblable à Aderguschasp ;

Arrivé auprès des Iraniens qu’il voulait attaquer, il prit dans son carquois une flèche de bois de peuplier et s’écria :

C’est ici que je veux combattre ; la tête des braves est dans ma main.

Si le héros qui lance le lacet, qui a vaincu Kamous, qui combat tantôt avec le lacet, tantôt avec la flèche, veut venir à présent sur le champ de bataille, sa haute stature disparaîtra du monde.

Il allait à droite et à gauche, disant :

Où est ce brave ?

Rustem saisit sa massue, s’élança de sa place, monta sur Raksch et s’écria :

C’est moi qui suis le vainqueur des lions, le distributeur des couronnes, le maître du lacet et de l’arc, des flèches et de Raksch et dans un instant tu essuieras la poussière avec tes yeux, comme a fait Kamous.

Djinghisch lui répondit :

Quel est ton nom et ta naissance ?

Que demandes-tu ?

Dis-le-moi, pour que je sache quel sang je verserai sur ce champ de bataille lorsque la poussière se lèvera sous mes pas ?

Rustem reprit :

Malheureux !

Maudite soit la fleur de l’arbre qui porte dans le jardin des fruits comme toi ; qui porte de pareils fruits et les met en compte avec les autres !

Ma lance et mon nom sont ta mort et il faut que ton corps renonce à sa tête.

Djinghisch courut vers lui vite comme le vent ;

Il attacha la corde aux deux bouts recourbés de son arc et l’arc de ce méchant devint comme un nuage qui versait des traits sur la cuirasse et le Bebr-i-beyan de Rustem.

Celui-ci sentit que les flèches allaient percer sa cotte de mailles ;

Il leva son bouclier à la hauteur de sa tête et dit :

Eh bien, brave cavalier !

Tu vas maintenant te repentir d’être venu au combat.

Djinghisch regarda cet homme au corps d’éléphant, dont la taille ressemblait à celle d’un cyprès dans une prairie ;

Il regarda son cheval, qui était comme une montagne surmontée d’une autre qu’elle porte sans fatigue ; il se dit :

Il vaut mieux s’enfuir que d’aventurer sa vie.

Il lança son destrier pour retourner auprès des siens ;

Mais le vaillant Rustem poussa Raksch et poursuivit Djinghisch rapidement comme la flamme ;

Et à mesure qu’il s’en approchait, la plaine retentissait des cris des armées.

Rustem saisit par la queue le cheval de l’impur Djinghisch et les deux armées en demeurèrent stupéfaites.

Rustem le retint ainsi quelques moments ;

À la fin il s’impatienta et se jeta à bas de son cheval, entraînant Djinghisch avec lui.

Celui-ci tomba et lui demanda la vie ;

Mais Tehemten l’étendit par terre et lui trancha la tête et c’est ainsi que furent anéantis ses désirs et ses soucis.

Tous les grands du pays d’Iran comblèrent le Pehlewan de leurs bénédictions ;

De son côté le Khakan fut rempli de douleur et consterné de la tournure que prenait la fortune.

Cependant Rustem allait et venait entre les deux armées, un javelot brillant dans les mains.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021