Keï Khosrou

Afrasiab envoie une armée à Piran

...

Il envoya à l’heure du sommeil, auprès d’Afrasiab, un messager monté sur un dromadaire et lui fit dire :

Une armée accompagnée d’éléphants et de timbales est arrivée de l’Iran ;

Elle est commandée par Guiv, Gouderz, Schidousch et Thous.

J’ai fait à ce dernier beaucoup de mensonges et lui ai donné des conseils de toute espèce.

Lève maintenant une armée parmi les braves, les héros illustres et les hommes de guerre ;

Car il faut arracher les Iraniens avec leur racine et dévaster leur pays par le feu, autrement cette armée et ce roi ne cesseront jamais de poursuivre la vengeance de Siawusch.

Lorsque Afrasiab eut entendu ce message, il réunit les chefs de l’armée ;

Il leur dit ce qui se passait et qu’il fallait se hâter de partir pour la guerre ;

Il rassembla une armée nombreuse, dont la poussière obscurcissait le soleil et le dixième jour arriva auprès de Piran cette multitude qui couvrait la terre.

Lorsque l’armée se fut reposée, on paya la solde, les cavaliers montèrent à cheval, on chargea les bagages et Piran se porta en toute hâte sur les bords du fleuve, sans égard à ses promesses et au traité qu’il avait conclu.

Une vedette accourut auprès de Thous en disant :

Fais attacher les timbales sur le dos des éléphants, car Piran ne sait que mentir chaque fois qu’il se voit près de sa perte.

Le drapeau du tyran s’est montré et ses troupes forment leurs rangs sur les bords de la rivière.

Thous le chef expérimenté rangea ses troupes, qui précédées des timbales, s’avancèrent dans la plaine ;

Des deux côtés arrivèrent des armées semblables à des montagnes, d’une part les cavaliers turcs, de l’autre les masses des Iraniens.

Le soleil fut tellement enveloppé dans la poussière des armées,que ses yeux s’abandonnèrent au sommeil au milieu de l’obscurité ;

L’éclat des épées, des lances et des javelots jetait un tel reflet sur la nuit qui couvrait le ciel, que tu l’aurais prise pour une tulipe.

Le mouvement de tant de casques d’or et de ceintures d’or, de tant de cavaliers au bouclier d’or, faisait lever un nuage de poussière couleur de sandaraque et le ciel étoilé était rempli du bruit des timbales.

Les têtes des grands résonnaient sous les coups des lourdes massues, comme l’enclume sous le marteau du forgeron ;

Le sang qui coulait faisait ressembler la terre à un pressoir et les lances convertissaient l’air en un champ de roseaux.

Bien des têtes furent prises dans le nœud du lacet, bien de nobles guerriers périrent : leurs cuirasses leur servaient de linceuls, la terre imprégnée de sang formait leur couche et leurs corps qui avaient joui des délices de la vie étaient déchirés par les épées.

La terre était rouge, les joues des combattants couleur de sandaraque et l’air noir comme l’ébène, à cause de la poussière que soulevaient les cavaliers.

Que l’homme ambitieux gagne une couronne, ou qu’il ne trouve que la poussière et le sang du combat, qu’il ait eu en partage la thériaque ou le poison, il faut qu’il parte d’ici quand le moment est venu.

Je ne sais quel est le but et la fin de tout cela, mais en attendant nous ne pouvons que déplorer la nécessité de la mort.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021