Lorsque le soleil eut montré dans le signe du Cancer la pointe de ses doigts et qu’il eut déchiré son voile noir, un messager du roi se présenta devant Piran, disant :
Il arrive une armée innombrable et tirée de toutes les parties de l’empire et commandée par le Khakan de la Chine, à qui le ciel sert de diadème et la terre de trône ;
Une armée qui couvrira dans un jour de bataille la mer de la Chine de poussière comme un désert.
Un grand du Maweral-Nahr, dont la tête s’élève au-dessus du ciel qui tourne, l’accompagne ;
Son corps a la force de cent lions ;
Il foule aux pieds la tête d’un éléphant furieux ; sa taille ressemble au cyprès ;
Il est beau comme la lune ;
Il est le maître du monde et les couronnes et les trônes sont ses jouets ; c’est le chef des braves, il se nomme Ferthous ;
Il anéantira Gouderz et Thous ;
Il amène une armée tirée de tous les pays habités entre la frontière du Sipenjab et celle du Roum.
Ensuite, il y a le vaillant Manschour, qui abat avec son épée la tête de tous ceux qui le combattent ;
Enfin Kamous de Kaschan, toujours prêt à frapper avec le glaive ;
Son œil n’a jamais vu de défaite, il réussit dans toutes ses entreprises, sa colère amène l’orage et la neige, son contentement fait naître le printemps, les roses et les hyacinthes et jaillir des ruisseaux d’eau limpide.
Piran dit aux Touraniens :
Ô vous qui portez haut la tête, ô guerriers du roi !
Que ce message d’Afrasiab vous réjouisse et vous rende heureux, jeunes et vieux ;
Bannissez de vos cœurs toute inquiétude, car je détruirai dans l’Iran tout ce qui existe et tout ce qui croît.
Nous pouvons nous reposer de nos soucis, de nos fatigues, de nos combats et de nos campagnes ;
Et vous ne verrez plus régner sur l’Iran et le Touran, sur la terre et les mers, que la volonté d’Afrasiab.
De nouveaux messagers arrivaient incessamment de l’armée auprès du Pehlewan, disant :
Ô illustre Pehlewan, puisses-tu vivre heureux et à jamais !
Puisse la vue des rois réjouir ton cœur et délivrer ton âme de ses soucis !
Depuis le Kaschmir jusqu’au delà du fleuve Schahd on ne voit que drapeaux, troupes, éléphants et haoudahs.
Du Seklab arrive Kender au cœur de lion et de Kat arrive Biwerd qui décide du sort des batailles ;
Du pays des Segsars accourt Gartjeh et de l’Inde Schenkoul qui remplit l’air d’étendards et couvre la terre d’épées brillantes.
De Tchegan vient Ferthous la gloire de l’armée et de Gahan vient Gahar le destructeur des villes ;
De Schikin arrive Schewiran et de Wahr arrive Gargou qui répand du poison sur sa lance et sur son épée.
Porte donc haut la tête, livre-toi à la joie, car ce message rajeunirait un vieillard.
Le cœur et l’âme de Piran s’épanouirent ;
Tu aurais dit qu’il avait été mort et qu’il ressuscitait ;
Il dit à Houman :
Je vais aller au-devant de cette armée.
Ces hommes sont venus de loin, pleins d’anxiété et prêts au combat ;
Ils ne se soustrairont pas aux ordres d’Afrasiab, car ils sont favorisés par la fortune et comblés de richesses et d’honneurs.
Je vais voir combien ils sont, qui est leur chef et quels sont ces braves.
Je saluerai le Khakan de la Chine, je baiserai la terre devant son trône ;
Je verrai le fier Kamous, Gahar de Gahan et Ferthous et à mon retour je prendrai mes armes et j’anéantirai les Iraniens.
S’ils ne peuvent résister à notre attaque, je leur rendrai sombre le jour et étroit le monde.
Je chargerai de lourdes chaînes les pieds et le cou de ceux qui survivront ;
Je les enverrai à Afrasiab et ne me permettrai ni repos ni sommeil.
Quiconque tombera armé dans mes mains, je lui abattrai la tête avec le glaive ;
Puis je brûlerai les corps, j’en jetterai au vent la poussière et j’effacerai jusqu’au nom de ce pays.
Ensuite je partagerai mon armée en trois corps et obscurcirai le jour devant les yeux du roi de l’Iran.
J’enverrai la première armée à Balkh et j’y rendrai la vie amère aux Iraniens ;
La seconde marchera contre le Zaboulistan et dévastera le pays de Kaboul ;
Avec la troisième, composée des grands et des lions du Touran, je marcherai vers l’Iran ;
Je ne laisserai en vie ni une femme, ni un petit enfant, ni un vieillard, ni un jeune homme ;
Je n’épargnerai aucun être vivant ; je détruirai le pays des Iraniens, que leurs mains et les traces de leurs pieds soient maudites.
Mais jusqu’à ce que j’aie fait mes préparatifs, gardez-vous de combattre les Iraniens.
Ainsi parla Piran et il partit le cœur plein du désir de la vengeance ; tu aurais dit que la peau se fendait sur son corps.
Houman dit à l’armée :
Ne pensez pas à livrer bataille, mais bornons-nous pendant deux jours à tenir les yeux sur le mont Hemawen, pour empêcher les Iraniens de s’enfuir une de ces nuits et de quitter ces rochers ;
Car la montagne et le lit du fleuve, la vallée, la plaine et la route vont se couvrir des drapeaux de l’armée.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021