Tejaou se présenta devant Afrasiab les yeux inondés de larmes de douleur et lui dit :
Le Sipehdar Thous est arrivé ;
Il a amené une armée avec des éléphants et des timbales ;
Les têtes de Palaschan et de ses braves ont roulé misérablement dans la poussière et les Iraniens ont dévasté par le feu tout le pays et ont détruit tous les troupeaux.
Afrasiab fut consterné de ces paroles et se mit à chercher un remède à ces maux ; il dit à Piran fils de Wiseh :
Je t’avais ordonné de rassembler de tous côtés une armée !
Mais ta paresse, ta vieillesse, ta folie et ta lenteur t’ont fait perdre du temps !
De sorte qu’un grand nombre de mes parents et alliés sont tombés entre les mains de l’ennemi et que l’étoile de beaucoup de braves s’est obscurcie.
Mais il n’est plus temps de tarder, le monde est devenu étroit pour les hommes de sens.
Le Sipehdar Piran sortit sur-le-champ de la présence d’Afrasiab, il appela de toutes les frontières les hommes de guerre, distribua des armes et de l’argent et mit en marche son armée.
Lorsqu’il eut dépassé la frontière, il assigna aux héros leurs places ;
L’aile droite à Barman et à Tejaou, cavaliers qui ne reculaient pas devant un éléphant ; la gauche à Nestihen, guerrier qui dans le combat ne faisait pas plus de cas d’un lion que d’un bélier.
Le monde fut rempli du son des trompettes et du bruit confus des timbales et des clochettes indiennes.
L’air devint jaune, rouge et violet, par le reflet de cette grande multitude de drapeaux et d’étendards de toute couleur.
L’armée comptait cent mille combattants, tous déterminés à livrer bataille et l’on ne pouvait plus passer d’une rivière à l’autre, tant il y avait de troupes et de chevaux, d’éléphants et de dromadaires.
Piran marchait en toute hâte, lorsque Afrasiab quitta son palais et se rendit dans le désert pour faire défiler devant lui cette armée nombreuse, fière et vaillante ;
Il fut si content et si rempli d’espoir, qu’il bénit le Pehlewan en disant :
Puisses-tu partir victorieux et revenir heureux !
Puisse ton œil ne jamais voir le malheur !
Les corps de l’armée partirent l’un après l’autre et l’on ne voyait plus ni plaine, ni rivière, ni montagne.
Piran leur dit :
Évitez les grandes routes, prenez les chemins les plus courts ;
Il ne faut pas que les Iraniens apprennent l’approche de ces nobles et illustres guerriers, car j’espère leur faire tomber cette grande armée inopinément sur la tête comme une montagne.
Il envoya en secret des espions, il s’enquit prudemment de ce qui se passait, tout en s’avançant à marches forcées.
Lorsqu’il fut arrivé près de Guirauguird, ses espions eurent des nouvelles de l’armée ennemie et les rapportèrent en secret à Piran, en disant :
Le Sipehdar Thous reste campé dans le même lieu et l’on n’entend pas dans son camp le bruit des timbales, car ils sont occupés a boire et à s’enivrer ;
Ils ont jour et nuit la coupe en main.
Nous n’avons pas vu de cavaliers faisant la ronde, car ils ne soupçonnent pas l’approche de notre armée.
Piran écouta ces paroles, convoqua ses braves et leur parla longuement de l’armée des Iraniens, ajoutant :
Jamais nous n’avons eu dans la main une victoire aussi certaine.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021