Il lit. appeler un scribe qui connaissait le monde et le fit asseoir devant le trône du pouvoir ; il lui ordonna d’écrire une lettre en réponse et de l’orner comme une prairie du paradis avec beaucoup de conseils et des promesses et de belles paroles sur les temps actuels et remontant aux temps anciens.
Lorsque le scribe fut fatigué d’écrire, le Kaisar chercha des yeux un cavalier vaillant, éloquent, d’un cœur serein et observateur, intelligent, savant, plein de bravoure et lettré et lui dit :
Va auprès de Khosrou et dis-lui :
Ô roi au cœur clairvoyant, qui cherches la vraie voie !
J’ai des trésors, des hommes et des armes et n’ai besoin de dépouiller personne pour m’en procurer ; et si je n’en avais pas, je demanderais de l’argent à tous les grands, dans toutes les provinces, pour que tu puisses retourner du Roum dans l’Iran victorieusement et rentrer dans ton palais.
Ne sois pas triste pendant que tu restes dans mon pays, car telle est la manière d’agir de la voûte du ciel qui tourne : tantôt elle est un refuge, tantôt un lieu de détresse ; tantôt elle est caressante et douce, tantôt elle saisit comme un lacet.
Ainsi ne t’afllige pas pendant que je t’amè-
nerai des troupes, des armures et de l’argent. »
Le messager partit pour se rendre auprès de Khosrou, à qui il répéta toutes les paroles du Kaisar.
Le Kaisar renvoya tous les étrangers et s’assit avec son conseiller, le cœur plein de soucis.
Il dit à son Mobed :
Ce suppliant s’adresse maintenant de préférence à nous ; mais que ferons-nous quand il sera redevenu puissant et quand il sera délivré de la honte de la défaite que lui a infligée son sujet ? »
Le conseiller dit au Kaisar :
Il faut que quelques-uns des philosophes de bon conseil et à l’esprit éveillé viennent et délibèrent avec nous sur cette affaire. »
Le Kaisar envoya un messager et quatre d’entre les philosophes arrivèrent, les uns jeunes, les autres vieux, tous Roumis de naissance ; ils discoururent longuement de ce qui s’était passé, disant :
Depuis la mort d’Iskender, nos âmes étaient désolées par les Iraniens, qui ne cessaient de nous piller, de nous faire la guerre, de nous attaquer et de verser follement notre sang innocent.
Maintenant Dieu le tout-saint a amené le malheur sur eux pour les punir de leurs mauvaises actions.
Mais tiens-toi tranquille, puisque la fortune des Sasanides est devenue boiteuse.
Si Khosrou ressaisit sa couronne impériale, il lèvera sa tête jusqu’à la lune et demandera à l’instant un tribut du Roum et s’emparera de tous les pays.
Qu’il te plaise main-S7 tenant de réfléchir sagement et de tenir pour du vent les paroles des Iraniens. »
Ces discours firent changer d’idée au Kaisar et il envoya un cavalier auprès du roi, à qui il écrivit une lettre pour lui indiquer la voie à suivre, selon les avis donnés par les sages pleins de prévoyance qui avaient fait là-dessus de si longs discours.
Lorsque le cavalier arriva près de Khosrou, il lui dit tout ce qu’il avait entendu de la bouche de son maître illustre, [lui remit la lettre du Kaisar et lui. en parla très-longuement.
Khosrou voyant cela eut le cœur serré et ses inquiétudes firent pâlir ses !
Joues, il répondit :
S’il faut s’attacher ainsi à ces histoires des temps anciens qu’on recueille, toutes nos fatigues auront été jetées au vent.
Réfléchis donc maintenant s’il y a un seul vieillard qui se rappelle si mes ancêtres, ces maîtres du monde choisis par Dieu, ces hommes purs, ont fait la guerre justement ou injustement.
Nous avions conquis ce pays et nous l’avons quitté ; et vous, puissiez-vous ne jamais avoir envie du pays d’Iranl Demande donc à ces sages du Roum si c’est le corbeau qui a été en faute ou le hibou.
Quand il y a eu à Roum un homme qui levait haut la tête, le Créateur ne l’a jamais laissé dans le besoin et mes ancêtres étaient des hommes illustres et touts-puissants dans le monde, qui jamais ce n’ont supporté de personne l’orgueil, la supériorité,
La violence et la déraison.
Mais aujourd’hui ces choses n’ont pas de valeur, car ma tête est dans la gueule du dragon.
Porte au Kaisar mes salutations et dis-lui :
Les princes ne doivent pas, en face de la raison, faire des discours qui n’ont ni trame ni chaîne, car à la fin le bien et le mal passent.
Dorénavant je ne me livrerai ni au repos ni au sommeil avant d’avoir tiré de l’eau trouble le pan de ma robe.
Si je trouve que les Roumis ne veulent pas m’aider, je vais envoyer auprès du Khakan, car toutes mes paroles ont été vaines, parce que l’eau de votre fleuve a été troublée jusqu’au fond.
Quand mes envoyés seront de retour, je ne resterai plus longtemps dans cette ville. »
Il dit aux Iraniens :
Obéissez à mes ordres, ne vous désolez pas de ce qui se passe, car Dieu, le victorieux, est notre soutien et notre devoir est d’être vaillants et virils. »
Il se mit dans son cœur au-dessus de cette affaire et envoya Tokhar avec une lettre, qu’il écrivit sans penser au bien ou au mal qu’elle pouvait lui attirer.
Tokhar quitta Khosrou et alla à la cour de l’illustre Kaisar.
Celui-ci le vit, lut la lettre et son cœur fut ému de pensées diverses.
Il dit à son puissant Destour :
Dévoile-moi ce mystère ; appelle les nobles et les chefs de l’armée et parle-leur beau-
coup de ce qui s’est passé.
Réfléchis si Khosrou sera heureux dans cette guerre, ou s’il fléchira devant le sort.
Si vous dites qu’il ne sera pas vainqueur, qu’il n’y aura plus pour lui de Naurouz, nous attendrons qu’il aille chez le Khakan et qu’il y cherche le remède de son mal.
Mais s’il doit être victorieux, s’il doit être maître de l’empire comme l’était son père, il vaudrait mieux qu’il partît d’ici avec une armée pour qu’il ne garde pas dans son cœur une pensée de vengeance. »
Le savant Destour écouta ces paroles ; il fit apporter par les astrologues leurs antiques tables et ils discutèrent pendant trois quarts de la nuit.
À la fin le chef des astrologues dit au Kaisar :
Ô porteur de la couronnel j’ai étudié ces tables antiques que Falathoun (Platon) a construites d’après les astres.
Il ne se passera pas beaucoup de temps avant que l’empire revienne à Khosrou et que la royauté des n Perses retrouve un nouveau tourde la fortune et la poussière sombre ne couvrira ce roi qu’après trente- Le Kaîsar’e’couût et dit à son Destour :
Voici huit ans. »
Donc le secret de son sort découvert.
Maintenant que faire ?
Quelle réponse donner, quel baume mettre sur cette plaie ?
Le puissant Destour dit :
Les astres du ciel ont décidé et ni la valeur ni le savoir ne peuvent rien y changer.
Que le maître du monde te protégel Si Khosrou se rend dans le pays du Khakan et lui demande d’être son ami, il sera en sécurité et s’il se procure une armée dans
un autre pays, il ne cessera jamais d’être ton ennemi.
Réfléchis que dans ce moment tu connais mieux l’avenir que Khosrou et que sa demande te rend plus puissant que lui. »
Le Kaïsar dit :
Je suis forcé d’envoyer une armée au roi et plus on y pense, plus on voit qu’il vaut mieux que je sacrifie mes trésors pour qu’il ne m’arrive pas de peine. »
Dernière mise à jour : 28 déc. 2021