Ferrukhzad savait que Khosrou apprendrait par l’armée toutes ses trahisons et lorsque cet ennemi du roi fut sorti du palais, il n’osa plus se présenter devant le trône.
Il se tenait devant la porte et fit des tentatives incessantes auprès de tout le monde ; il travailla sans relâche, jusqu’à ce qu’il eût détourné de l’obéissance envers le roi cette armée, homme par homme.
Il parlait à tout le monde et tous furent de son avis, qu’il fallait placer sur le trône un autre roi, parce que Khosrou n’avait gardé ni sa dignité, ni les coutumes royales, ni la fortune.
Un vieillard qui avait de l’expérience dans les affaires s’approcha de Ferrukhzad et lui dit :
Khosrou t’attribue la défection de l’armée.
Or on ne peut pas aller plus loin, jusqu’à ce que tu aies mis en avant un roi, car ce pays prospère deviendrait un désert et par suite de ces troubles, l’Iran ressemblerait bientôt à l’Aniran.
Il faut donc examiner lequel des fils de Khosrou est le plus modeste et trouvera le moins d’opposition, le placer hardiment sur ce trône et répandre sur sa couronne des pièces d’or ; et puisque Schirouïeh, son fils aîné, est intelligent
et se trouve en prison, il n’en faut pas un autre. »
Tout le monde donna des avis du même genre et il ne se passa pas beaucoup de jours ni de nuits avant que l’armée de Tokhar eût fait lever la poussière, ayant pris son parti résolument.
Ferrukhzad alla à la rencontre de Tokhar, accompagné de beau- coup de troupes ; ils descendirent de cheval ensemble et causèrent longuement en public et en secret.
Fer. rukhzad se mit à parler et à exposer les maux qu’avait causés Khosrou, puis il ajouta :
L’armée veut rétablir la royauté par sa valeur et son intelligence. »
Le Sipehbed lui répondit :
Quant à moi, je n’ai pas le talent de discuter ; mais quand je me bats contre des héros, les champions du monde entier ne tiennent pas devant moi.
Ce roi, dans sa jeunesse, était cher à tous les grands et à tous les Pehlevans et quand on voit s’obscurcir les jours d’un pareil homme, on ne peut désirer à personne une couronne et un trône.
Khosrou a perdu tout pouvoir au moment où il est devenu injuste et lorsqu’il s’est mis à favoriser l’injustice de ses serviteurs. »
4 Lorsque Ferrukhzad eut entendu ces paroles, il choisit Tokhar parmi tous les Iraniens pour exécuter son plan et lui dit :
Allons maintenant à la prison, allons auprès de ces malheureux, enlevons sans hésitation Schirouïeh, ce prince jeune, brave et ambitieux.
Maisril y a un surveillant de la prison, un Sipehbed à qui tu arracherais plutôt la cervelle et la peau que la personne de Schirouïeh et qui garde ses prisonniers désolés à l’aide de six mille cavaliers éprouvés. »
Tokhar répondit à Ferrukhzad :
Nous avons traité trop légèrement l’affaire de ce Sipehbed.
Si la fortune revenait à Parviz, il ne laisserait pas en vie un seul Pehlewan de l’Iran et personne n’échapperait, soit au gibet, soit au cachot et aux fers. »
En disant cela, il poussa son cheval et s’élança, semblable à Aderguschasp, emmenant au combat toute son armée.
Le Sipehbed s’avança vers lui sans hésiter ; mais sa troupe illustre fut mise en désarroi et lui-même tué dans la mêlée.
L’armée du roi fut dispersée ; le jour de Khosrou s’assombrit et son pouvoir était perdu.
Tokhar trouva ainsi moyen d’entrer dans la prison étroite, revêtu de son armure de combat ; il appela tout haut Schirouïeh, qui portait haut la tête et le prince répondit à l’instant.
Schiroueïh comprit pourquoi cet homme plein d’orgueil était venu dans la prison en ce moment, ethuand il vit le visage radieux de Tokhar, son âme et son cœur exhalèrent son anxiété ; il lui dit en versant des larmes :
Où est Khosrou ?
Est-ce à vous de me mettre en liberté ? »
Tokhar dit au fils du roi :
Si tu es un homme, ne gratte pas le palais du lion.
Si tu n’es pas de notre avis en cette affaire, renonce à t’en
?
Mêler.
Nous pouvons nous passer d’un prince sur seize ; il nous reste encore quinze de tes frères, dont chacun est digne d’être roi des rois et le trône du pouvoir sera heureux d’être occupé par un d’eux. »
Schirouïeh resta confondu et versa des larmes, incertain s’il devait sortir de sa demeure étroite.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021