Bahram de son côté se rendit à Merv et rassembla une armée belle comme le plumage du faisan.
Quelqu’un alla chez le Khakan et dit :
Ne permets pas à qui que ce soit de passer du pays des Turcs et de la Chine dans l’Iran, car si Khosrou avait de nos nouvelles, il changerait de conduite. »
Le Khakan de la Chine fit cette proclamation :
Si quelqu’un passe, sans un ordre de mon sceau, dans l’Iran, je le ferai couper en deux et je jure par Dieu que je ne lui permettrai pas de se racheter pour de l’argent. »
Kharrad, fils de Berzin, était resté pendant trois mois à observer tout ce qui se faisait secrètement ; dans son angoisse, il appela Kaloun, le fit asseoir
Dans cette demeure magnifique et lui dit :
Tu sais que personne ne porte un cœur sans un chagrin secret.
Tu as souvent demandé à tout le monde en Chine du pain d’orge, du millet et une peau de mouton ; maintenant tu te nourris de pain de froment et d’agneau et tu es couvert de beaux vêtements.
Voilà ton état d’autrefois et voici ton état actuel.
Que de malédictions et que de bénédictions n’as-tu pas reçues ?
Ta vie a dépassé la mesure ordinaire, tu as vu bien des jours et des nuits, bien des montagnes et des plaines.
J’ai pour toi une besogne terrible qui peut te conduire sur un trône ou sous la terre sombre.
J’obtiendrai du Khakan une empreinte de son sceau ; ensuite, pars comme si tu devais enrouler la terre sous tes pas ; il faut aller auprès de Bahram et rester longtemps à Merv.
Tu le vêtiras d’un manteau de peau de mouton noir et tu prendras avec toi un couteau.
Tu feras attention au jour de Bahram de vingtième) du mais, tu te présenteras ce jour à la porte de l’homme illustre ; il tient, à cause de présages, ce jour pour néfaste, comme je l’ai observé pendant des années ; il ne laissera donc pas entrer la foule chez lui et ne sera vêtu que d’une robe de brocart de Chine.
Annonce que tu es porteur d’un message de la fille de la Khatoun à ce prince fortuné et tiens pendant ce temps ton couteau nu dans ta manche jusqu’à ce qu’on te fasse entrer tout seul.
Quand tu seras près de Djoubineh, tu diras : La princesse qui porte haut la tête m’a ordonné de cacher mes paroles à tous les étrangers quand je confierai son secret à ton oreille. »
Il dira :
Quel est ce secret ?
Dis-le-moi !
Tu te hâteras de t’approcher de Bahram, tu le frapperas du couteau, tu lui déchireras le nombril, puis tu t’élanceras pour trouver un moyen de sortir.
Tous ceux qui entendront ses cris se précipiteront de chez le Sipehbed vers les écuries, les uns courront vers les tapis, les autres vers le trésor et ton meurtre ne t’attirera aucun danger.
Et quand même ils te tueraient, tu es un homme rassasié du monde, tu as éprouvé tous les maux et tous les bonheurs ; mais probablement personne ne s’occupera de toi pour te faire du mal dans ce moment ; et si tu échappes à la mort, tu auras acheté le monde et payé le prix ; le roi victorieux te donnera une ville, il te donnera une part dans le monde. »
Kaloun dit à cet homme savant :
Je n’ai pas besoin d’autres instructions.
Quoique j’aie dépassé cent ans, je veux pourtant, dans ma détresse, acquérir encore quelque chose.
Que mon corps et mon âme soient ma rançon pour toi, qui as en à me donner du pain dans ma pauvreté. »
Quand Kharrad eut entendu ces paroles, il quitta sa maison en courant et se présenta à la Khatoun, disant :
Le temps de te faire une demande est arrivé et je vais te l’expliquer, ô femme de bonne nature !
Ma famille est dans les chaînes de l’autre côté du fleuve, je désire que tu délies mes pieds.
Procure-moi du Khakan une impression de son sceau et sache que tu me rendras la vie. »
La Khatoun dit :
Il est ivre et dort, je pourrai peut-être prendre une empreinte de son anneau avec de l’argile. »
Elle demanda à Kharrad de l’argile à sceau et alla de sa chambre droit au chevet du lit de l’homme ivre, prit à l’instant l’empreinte de son anneau avec l’argile et revint la donner à cet homme éloquent et lettré, qui lui en rendit grâce et qui s’en alla le remettre au vieillard.
Dernière mise à jour : 19 déc. 2021