Zengueh partit avec cent cavaliers pleins de renom, emmenant de la cour du roi les otages et emportant tous les présents, quels qu’ils fussent, que Guersiwez avait naguère apportés.
Lorsqu’il entra dans la ville où résidait le roi des Turcs, on entendit un cri et la sentinelle le vit.
Un noble et puissant seigneur, dont le nom était Thewurg le brave, alla au-devant de lui et Zengueh étant arrivé auprès du roi, Afrasiab se leva de son trône, le serra étroitement contre sa poitrine, le reçut gracieusement et lui assigna la place d’honneur.
Zengueh s’assit à côté du roi, lui remit la lettre et lui raconta tout de point en point.
Afrasiab se tordit en lisant cette lettre, son cœur se remplit de douleur et sa tête Le roi fit préparer un appartement pour Zengueh se troubla.
I et ordonna qu’on le traitât selon son rang ; ensuite il fit appeler en toute hâte son Sipehdar, qui ne tarda pas à paraître.
Lorsque Piran fut entré, le roi renvoya toute sa cour et parla à cet illustre seigneur de Kaous, de ses emportements, de son mauvais naturel et du désir qu’il avait de continuer la guerre.
Il en parla et ses traits s’assombrirent, son cœur se remplit de pitié pour Siawusch ; il lui raconta l’arrivée de Zengueh fils de Schaweran et tout ce qui s’était passé depuis le commencement jusqu’à la fin et lui demanda :
Quel remède apporter à ce, mal ?
Que faire dans cet embarras ? »
Piran répondit :
Ô roi, puisses-tu vivre à jamais et tant que durera le monde !
Tu connais mieux que nous toute chose, tu es plus puissant que nous par tes trésors et par ta bravoure.
Voici mon opinion, mon avis, mon désir et mon conseil, ô roi qui éclaires mes idées !
Quiconque a le pouvoir de faire le bien ouvertement ou en secret, ne peut se refuser à aider ce fils de roi de ses trésors et à l’enlourer de ses soins aussi longtemps qu’il voudra rester auprès de lui.
J’ai ouï dire qu’en stature et en beauté, en douceur et en prudence, en raison et en conduite, il n’a pas son égal parmi les grands de la terre.
Par sa bravoure et son intelligence il est tau-dessus de sa race et jamais reine n’a mis au monde un fils comme lui.
Mais nous allons le voir, ce qui vaut mieux que d’en entendre parler.
C’est un noble prince et un fils de roi ; et n’eût-il d’autre mérite que d’avoir rompu avec son père pour sauver cent nobles, d’avoir renoncé pour cela au trône et à la couronne et de s’être ainsi réduit à te demander le passage par tes États, il fau-drait en faire un grand de ce royaume ; car il est .
avide de montrer sa bravoure et les sages ne l’approuveraient pas, ô roi, si tu le laissais passer dans un autre pays.
Kaous d’ailleurs est vieux et le temps approche où il laissera le trône vacant ; mais Siawusch est jeune et illustre et le pouvoir et le trône de la royauté lui appartiendront.
Si tu le repousser, les grands te blâmeront et tu l’indisposeras contre toi.
Si le roi, dans sa sagesse. approuvait mon avis, il écrirait une lettre mûrement réfléchie, il recevrait ce jeune homme plein d’intelligence comme on reçoit un fils. il lui préparerait une résidence dans ce pays et le traiterait selon son rang et son mérite, il lui donnerait une des filles qu’il a dans l’appartement de ses femmes et l’entourerait de prévenances et d’honneurs : car si Siawusch restait auprès de toi, il ferait de ton pays le séjour de la paix ; et s’il retournait auprès du roi de l’Iran, ta fortune ne pourrait que s’en accroître ; car il serait ton défenseur auprès de Kaous et les puissants de la terre lui rendraient hommage.
Si Dieu amène chez nous Siawusch, nous pourrons espérer qu’il calmera la haine des deux pays ; il serait digne de la justice du Créateur de rétablir ainsi le bonheur sur la terre. »
Le roi écouta le discours de Piran ; il envisagea tout l’avenir ; il réfléchit quelque temps, pensant au bonheur et au malheur qui pouvait lui arriver.
À la fin il répondit au vieux Piran :
J’approuve tout ce que tu m’as dit et parmi l’élite des grands pleins d’expérience. il n’y en a aucun qui te soit comparable.
Et pourtant j’ai entendu la parole d’un sage, qui peut s’appliquer au conseil que tu me donnes :
Si tu élèves un lionceau, dit-il, tu t’en repentiras :
aussitôt que ses dents seront devenues aiguës, aussitôt qu’il aura des ongles et la force de bondir, il se jettera sur son père nourricier. »
Piran lui dit :
Que le roi des braves veuille un peu consulter son intelligence : pourquoi attribuer de la méchanceté à un homme qui n’a pas hérité de la violente et vile nature de son père ?
Tu vois que Kaous est devenu vieux et puisqu’il est vieux, il va bientôt mourir ; alors Siawusch possédera le monde entier ; et de grands trésors acquis sans peine, des palais, les pays d’Iran et de Touran, le trône et la couronne seront à toi.
Il faut être le favori du sort pour trouver une pareille fortune. »
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021