On entendit le bruit des trompettes et des timbales ; Thous le Sipehbed au front orgueilleux arriva, l’armée s’assembla devant le palais du roi.
Kaous ouvrit les portes de ses trésors où étaient des monceaux d’or et envoya à Siawusch la clef de ses magasins d’épées et de massues, de casques et de ceintures, de morions et de cottes de mailles, de lances et de boucliers, enfin la clef du magasin qui contenait les vêtements neufs, avec ce mage : Tu es le maître du palais et de tout ce qu’il contient de précieux, équipe-toi comme tu l’entends. »
Le roi choisit parmi les cavaliers renommés douze mille guerriers pleins d’ardeur, tous Pehlewans du pays de Fars, du Koutch et du Beloudjistan, ou guerriers du Ghilan et du désert de Seroudj.
Ensuite, il choisit douze mille fantassins armés de boucliers et ,propres au combat, tous fils de héros, braves, prudents et hommes libres, tous de la stature et de l’âge de Siawusch, tous pleins de sens, de circonspection et de discrétion.
Parmi eux se trouvaient des chefs de haut renom, comme Bahman et Zengueh, fils de Schaweran.
Enfin le roi choisit parmi les Iraniens cinq Mobeds qui devaient porter l’étendard de Kaweh.
Il ordonna à toute l’armée de se porter de la frontière dans le désert ; tu aurais dit que le monde était couvert de braves et que la terre n’avait de place que pour les sabots de leurs chevaux.
L’étendard de Kaweh s’élevait jusqu’au ciel et brillait au milieu des étoiles comme une lune.
Le roi Kaous passa la frontière et son armée fit voler une immense poussière ; il regarda ses braves, parés comme une fiancée et accompagnés d’éléphants et de bruyantes timbales et le glorieux roi les bénit plusieurs fois, en disant :
Ô guerriers illustres aux traces fortunées, puissiez-vous n’avoir d’autre com--pagnon que le bonheur !
Puissent les yeux de vos ennemis s’obscurcir !
Puissiez-vous partir sous une bonne étoile et sains de corps !
Puissiez-vous revenir heureux et victorieux ! »
Le jeune Sipehdar fit placer les timbales sur les éléphants, fit monter a cheval les braves et monta lui-même.
Kaous accompagna son fils pendant une journée, les deux yeux pleins de larmes.
À la fin ils s’embrassèrent, leurs yeux versaient du sang comme les nuages du printemps versent la pluie ; leurs pleurs excitèrent des lamentations dans toute l’armée ; leurs cœurs avaient un pressentiment qu’ils ne se reverraient pas.
Telle est la manière d’agir de la fortune mobile : elle vient chargée tantôt de miel, tantôt de poison.
Kaous s’en retourna à son palais et Siawusch, avec son armée pleine d’ardeur, entra dans le Zaboulistan.
Il se rendit, avec Rustem au corps d’éléphant, auprès du Destan et resta pendant un mois chez Zal aux traces fortunées, se réjouissant par des chants et avec du vin.
Tantôt il était chez Rustem la coupe en main, tantôt il s’asseyait avec Zewareh, tantôt il se mettait gaiement sur le trône de Zal, tantôt il allait chasser dans les roseaux.
Quand ce mois fut passé, il mit en marche son armée ; Rustem partit avec lui, mais Zal resta.
Il fut rejoint par des armées venant du Zaboulistan, du Kaboul et de l’Inde et commandées par des Pehlewans et partout ou se trouvait un prince renommé, il l’appelait auprès de lui.
Il marcha ainsi contre la ville d’Hérat et en emmena beaucoup de fantassins dont il donna le commandement à Zengueh fils de Schaweran.
Il se porta ensuite vers Thalikan et le Mervroud ; tu aurais dit que le ciel le bénissait ; de là il s’approcha de Balkh et sur toute cette route il n’affligea personne par un mot amer.
De ce côté s’avançaient vers lui, rapidement comme le vent, Guersiwez et Barman avec une armée dont Sipahram commandait l’arrière-garde et Barman l’avant-garde.
Ils eurent des nouvelles du jeune prince, on leur dit :
Il vient de l’Iran une armée et un jeune roi accompagné de Rustem au corps d’éléphant. »
Guersiwez envoya sur-le-champ à Afrasiab un dromadaire rapide comme la barque v0- guant sur l’eau et lui fit dire :
Il arrive de l’Iran une grande armée dont le chef est Siawusch, accompagné des grands.
Rustem au corps d’éléphant la dirige ; il tient d’une main un poignard, de l’autre un linceul.
Si le roi me l’ordonne, je m’arrêterai avec mon armée pour livrer bataille ; mais il faut que tu prépares tes troupes et que tu ne tardes pas, car le vent va pousser la barque. »
Ayant dit ces paroles au messager, il lui fit lancer son dromadaire rapidement comme la flamme.
Siawusch ne s’arrêta pas ; il mena son armée contre Balkh avec la vitesse du vent et les Iraniens s’approchèrent de si près que les Touraniens ne purent plus retarder le combat ni attendre du secours.
Guersiwez le guerrier considéra tout et vit qu’il ne pouvait refuser la bataille et lorsque les Iraniens furent près de lui, il se prépara à combattre aux portes de Balkh.
Trois grandes batailles se donnèrent en trois jours et le quatrième, Siawusch, qui rendait le monde brillant, dirigea vers chacune des portes de la ville un corps de fantassins et entra dans Balkh à la tête d’une grande armée.
Sipahram s’enfuit de l’autre côté du fleuve (de l’Oxus) et se rendit avec son armée auprès d’Afrasiab.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021