Ferenguis apprit ce qui s’était passé, elle déchira ses joues, elle se ceignit d’une ceinture sanglante.
Elle se présenta à pied devant le roi, belle comme la lune, mais les deux joues colorées de larmes de sang.
Elle se présenta devant son père remplie de crainte et de terreur, poussant des cris et répandant de la poussière sur sa tête.
Elle lui dit :
Ô roi plein de vertus !
Pourquoi veux-tu me rendre malheureuse ?
Pourquoi t’es-tu laissé, prendre à la fourbe ?
Ne vois-tu pas l’abîme au-dessous de la hauteur que tu as atteinte ?
Ne tranche pas une tête couronnée et innocente, car le maître du soleil et de la lune ne t’approuverait pas.
Siawusch a renoncé au pays d’Iran, il t’a rendu hommage entre tous les rois de la terre, il a mis en courroux son père à cause de toi, il a renoncé au diadème aux trésors et au trône impérial ; il est venu ici te demandant secours et asile et qu’a-t-il fait qui te porte à dévier du droit chemin ?
Personne ne peut trancher la tête à un roi et conserver longtemps son propre trône et sa couronne.
Ne m’accable pas. moi qui suis innocente : car le monde n’est qu’un séjour passager, plein d’orages et de soupirs ; il précipite l’un dans un fossé sans qu’il ait commis de crime, il fait monter sur le trône l’autre chargé de méfaits ; mais à la fin la poussière les couvre tous les deux et le piégé ténébreux de la tombe les retient.
Ne le rends pas infâme aux yeux du monde en cédant au conseil du méchant Guersiwez.
Tu sais ce que Feridoun le héros a fait au méchant Zohak l’Arabe et ce que le puissant roi Minoutchehr a fait à Selm et au farouche Tour.
Ils vivent encore, Kaous sur son trône, Zal, Rustem le vengeur, Gouderz, dont la massue perce au jour du combat le cœur du lion et déchire la peau du léopard, Bahram et Zengueh fils de Schaweran, qui ne craint pas l’épée des braves, Guiv fils de Gouderz, qui fait trembler d’effroi la terre au jour de la vengeance.
Les eaux deviendront noires au souvenir de Siawusch et le jour maudira Afrasiab.
Tu es ton propre ennemi et tu te souviendras souvent de mes paroles.
Tu n’es pas à une chasse où tu tuerais les onagres, où tu abattrais des antilopes ; c’est un roi que tu arraches de son trône et le soleil et la lune te maudiront.
Ne livre pas au vent par la folie le pays de Touran.
,Puisses-tu ne jamais avoir à te rappeler mes conseils ! »
Pendant qu’elle prononçait ces mots, elle aperçut Siawusch et s’écria en se déchirant les joues et en poussant des cris :
Ô roi !
Pourquoi as-tu quitté l’Iran ?
Pourquoi as-tu reconnu mon père pour ton roi ?
Ils t’ont lié les mains, ils t’ont traîné à pied et où sont ta couronne et le trône des braves ?
Où sont ces promesses et ces serments du roi qui ont fait trembler le ciel et la lune qui tourne ?
Où sont le roi Kaous et ses héros, pour qu’ils te voient dans ce moment et dans cet état ?
Où sont Guiv et Thous, ou sont Rustem et Faramourz, Zal et toute la cour de l’Iran ?
Le pays d’Iran connaîtra ce crime et le trône impérial en tremblera.
C’est Guersiwez qui t’a fait du mal : qu’il soit maudit, lui, Demour et Gueroui ; et que quiconque lève la main contre toi ait la tête tranchée et jetée dans la poussière.
Puisse Dieu adoucir tes peines !
Puisse-t-il frapper de terreur le cœur de les ennemis !
0h !
Que mes yeux ne sont-ils privés de la vue plutôt que de te voir traîné sur la route !
Comment me serais-je attendue que mon père arracherait de mes bras le soleil qu’il m’avait donné pour épouse ? »
Quand le roi entendit ces paroles de sa fille, le monde s’obscurcit devant ses yeux ; il lui dit :
Va-t'en et ne reviens plus ici ; sais-tu donc les raisons que j’ai pour faire le mal que je fais ? »
Le roi brûlait de colère contre elle et dans son trouble il fermait l’œil de l’intelligence.
Or il y avait dans ce grand palais une chambre que Ferenguis ne connaissait pas et Afrasiab ordonna à ses gardes de l’y traîner
Et de l’y enfermer comme une folle.
On la jeta dans ce lieu sombre et l’on ferma la porte de la chambre.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021