Rustem avait devant lui un chemin difficile qu’il fallait traverser en toute hâte.
C’était un désert sans eau et d’une chaleur si ardente que les oiseaux en tombaient en morceaux.
Les plaines et les déserts étaient si brûlants que tu aurais dit que le feu venait d’y passer.
Le corps du cheval et la langue du cavalier étaient haletants de chaleur et de soif.
Rustem descendit et le javelot en main, il s’avança en chancelant comme un homme ivre.
Il ne vit aucun moyen de sauver sa vie et il tourna ses regards vers le ciel en disant :
Ô Dieu, distributeur de la justice, tu as accumulé sur ma tête toute sorte de peines et de malheurs.
Si mes souffrances te plaisent, la mesure en est comblée pour moi dans ce monde.
Je me traîne encore dans l’espoir que le Tout-Puissant prêtera secours au roi Kaous et que le maître du monde le très-juste délivrera les Iraniens des griffes du Div.
Ce sont des pécheurs, ils ont été rejetés par toi, mais ils n’en sont pas moins tes adorateurs et tes esclaves.
Ayant prononcé ces paroles, il sentit son corps semblable à celui d’un éléphant faiblir de soif et sa tête s’étourdir.
Il tomba sur le sol brûlant et sa langue se fendait de soif.
Dans ce moment un bélier bien nourri passa devant Tehemten.
À cette vue il lui vint une pensée et il dit dans son cœur :
Où peut donc être l’abreuvoir de cet animal ?
Certainement, c'est la grâce de Dieu qui se répand sur moi en ce moment.
Il serra son épée dans sa main droite et se leva avec la force que Dieu le maître du monde lui avait donnée.
Il suivit les pas du bélier, tenant d’une main son épée et prenant de l’autre la bride de Raksch et il trouva dans son chemin une source d’eau, vers laquelle s’était dirigé le bélier qui tenait haut la tête.
Rustem leva les yeux vers le ciel et dit :
Ô Seigneur, qui ne promets jamais en vain !
Il n’y a pas une seule trace des pieds du bélier autour de cette source et d’ailleurs ce bélier du désert n’est pas mon parent.
Quand ta position est devenue difficile, ne cherche d’asile qu’auprès de Dieu le très- saint ; car quiconque s’écarte de la voie de Dieu l’unique, le distributeur de la justice, est dépourvu de raison.
Puis Rustem prononça ses bénédictions sur le bélier du désert, en disant :
Puissent les rotations du ciel ne t’apporter aucun malheur !
Puissent les herbes de tes vallées et de tes déserts être toujours vertes !
Puisse le cœur du guépard ne jamais se réjouir aux dépens de ta vie !
Quiconque le chasse avec arc et flèches, puisse son arc se briser et son âme devenir sombre !
Car tu as sauvé Rustem au corps d’éléphant, qui sans toi n’avait plus à penser qu’à son linceul, qui aurait été englouti par un puissant dragon ou aurait péri entre les griffes d’un loup et les restes de Rustem auraient été trouvés par ses ennemis et lacérés par les bêtes fauves.
Après avoir achevé ses actions de grâces, il ôta la selle à Raksch son cheval rapide et le lava dans cette eau pure, de sorte qu’il le rendit brillant comme le soleil.
Rustem s’étant rafraîchi, se prépara à la chasse ; il s’arma et remplit son carquois de flèches.
Il abattit un onagre semblable à un éléphant sauvage, lui enleva la peau, les pieds et les entrailles ; il alluma un feu ardent comme le soleil, tira l’onagre de l’eau, le fit rôtir au feu et l’ayant cuit à point, se mit à manger, détachant la chair des os avec ses ongles.
Ensuite, il se rendit à la source limpide, se baigna et ayant fini, pensa à se coucher.
Il dit à Raksch son cheval ardent :
Ne te querelle avec personne et ne cherche pas de compagne.
Si un ennemi se présente, cours vers moi ; et ne combats ni Div ni lion.
Puis, il se coucha et se reposa sans ouvrir les lèvres ; et pendant qu’il dormait Raksch se mit à paître et à courir jusqu’au milieu de la nuit.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021