Afrasiab observait tout et voyant ce qui se passait, il exhala un soupir de sa poitrine et demanda :
Où est donc Alkous le brave qui a tant souhaité le combat des lions, qui dans son ivresse a désiré voir devant lui Guiv, qui s’est préparé à prendre sur lui tout le poids du combat contre Rustem et qui n’a pas cessé de parler du pays d’Iran ?
Où est donc maintenant son ardeur et son arrogance ?
Alkous apprit ce que le roi venait de dire et les paroles que le maître du Touran venait de prononcer ; il poussa son cheval noir, et, les mains lavées dans le sang, il courut vers le centre de l’armée et vers Afrasiab, en criant à haute voix :
Je suis un brave ; je suis un lion qui a du courage et qui en même temps sait attendre ; et si le roi l’ordonne, je me jetterai tout seul dans cette mêlée.
Quand le roi du Touran eut entendu ces paroles, il répondit :
Choisis des compagnons parmi les chefs de l’armée.
Plus de mille cavaliers, avides de combats, sortirent avec lui des rangs, tous armés de lances meurtrières, tous brillants comme l’étoile du matin et comme Ormuzd.
Lorsqu’il s’approcha de l’armée de l’Iran, le soleil et la lune étaient voilés par la poussière ; mais il aperçut Zewareh qui cherchait un ennemi à combattre et se dirigea vers lui croyant que c’était Rustem, car il reconnut que c’était quelqu’un de la race de Neriman.
Zewareh, de son côté, s’élança vers lui armé d’une lance et semblable à un lion terrible ; mais Alkous, armé aussi d’une lance, brisa celle de Zewareh et le fit trembler devant lui.
Zewareh portant la main à son épée digne d’un héros, la tira et le monde disparut sous la poussière des combattants ; leurs épées furent brisées dans la lutte et rapides comme le vent, ils saisirent leurs massues.
Alkous lança sa massue qui ressemblait à une montagne et Zewareh fut étourdi par le coup ; il s’évanouit sur sa selle et tomba par terre sans pouvoir proférer une parole.
Alkous descendit de cheval, se pencha sur lui et allait séparer la tête du tronc, lorsque Rustem s’apercevant de l’état de son frère, accourut comme une flamme et poussa un cri sauvage qui engourdit la main et émoussa l’épée d’Alkous.
Tu aurais dit que lorsque Alkous entendit la voix de Rustem, son âme abandonnait son corps ; il sauta sur son cheval, rapide comme le vent et ne se souvint plus dans son cœur de sa bravoure.
Rustem lui dit :
Tu ne t’es pas encore mesuré avec les griffes du lion, c’est pourquoi tu as été si vaillant.
Zewareh remonta péniblement à cheval, couvert de sang, découragé et tout meurtri de coups de massue.
Alkous, qui avait étendu sur sa selle un linceul d’étoffe de Touz, s’élança sur Rustem et l’atteignit de sa lance à la ceinture ; mais la cuirasse empêcha l’arme de pénétrer jusqu’aux joints.
Rustem, de son côté, le frappa de sa lance à la poitrine, inonda son casque du sang de son cœur, l’enleva de selle avec sa lance et les deux armées en restèrent étonnées ; il le jeta par terre comme un quartier de roche et l’âme des Touraniens en fut remplie de terreur.
À ce signal, les sept héros, semblables à des lions, saisirent leurs épées et derrière eux se rangèrent les chefs pleins de courage, appuyant sur leurs épaules de lourdes massues.
Afrasiab voyant ces événements inattendus, jeta un regard sur ses braves et dit :
Les ennemis l’emportent sur nous dans cette lutte ; faites un effort, montrez-vous tels que des léopards et continuez à combattre.
L’armée entendit sa voix et se tourna encore une fois contre Rustem ; mais lorsque Rustem et les sept héros s’en aperçurent, ils firent une attaque vigoureuse et mirent en fuite les Touraniens, de telle sorte que l’on ne distinguait plus les têtes des pieds.
Ils tuèrent tant de guerriers que la terre, d’une extrémité à l’autre, devint couleur de rubis ; ils abattirent les éléphants sur le champ de bataille, les uns ayant encore leur tête, les autres la tête séparée du corps.
Il ne restait plus de place pour marcher sur le champ de bataille et l’armée ne trouvait plus de chemin par où passer.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021