Keï Kaous

Piran rencontre Afrasiab sur la route

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Lorsque Afrasiab apprit la fuite de Khosrou, la lumière du soleil s’obscurcit devant ses yeux.

Il fit sonner les trompettes d’airain, rassembla son armée et sortit de son palais brûlant de rage.

Il fit chaque jour deux journées de marche, il avança en grande hâte, il vola comme la flèche que lance l’arc.

Il amena ainsi son armée jusqu’au champ de bataille où Kelbad et ses troupes avaient combattu.

Il rencontra partout des guerriers dispersés et vit à chaque pas des hommes gisants dans la poussière.

Il demanda :

Quel est le Pehlewan qui est venu de l’Iran, avec une armée, livrer ici bataille ?

Aucun de mes guerriers n’a su qu’une si grande armée eût passé la frontière.

Qui a pu indiquer à ce fils de Div qu’il y avait ici un enfant de Siawusch ?

Oh !

Que n’ai-je donné à cet enfant la terre pour nourrice !

Mes deux yeux n’auraient pas vu un pareil désastre. »

Sipahram lui répondit :

Puisse ton repos n’être pas troublé !

Si c’est l’idée d’une armée qui t’effraye, je le dirai qu’il n’est venu que Guiv fils de Gouderz et que nous n’avons pas vu avec lui un seul cavalier.

L’armée a été frappée de terreur par l’attaque d’un seul homme et c’est ainsi que Guiv, Ferenguis et le prince ont pu s’enfuir. »

Les joues d’Afrasiab pâlirent à ces paroles, son cœur fut effrayé du sort que lui préparait le ciel et il répondit :

Maintenant s’accomplit tout ce que les sages m’ont prédit.

Quand Dieu favorise quelqu’un, il le fait parvenir au trône sans effort. »

Pendant que Sipahram écoutait les paroles du roi, on vit arriver une armée, précédée par le Sipehdar Piran, dont la tête, le visage et le corps étaient entièrement couverts de sang.

Afrasiab crut que Piran avait atteint Guiv et qu’il courait en avant des troupes pour annoncer sa victoire ; mais quand il fut plus près, il reconnut que le Pehlewan de son armée était blessé, qu’il était fortement attaché à la selle et que ses deux mains étaient liées derrière le dos avec une sangle.

Il fut tout confus, il devint triste et soucieux de ce qu’il voyait et interrogea Piran, qui lui dit :

Ô roi !

Il n’y a pas de lion furieux, ni de loup féroce, ni de tigre bondissant, qui pût faire dans les rangs d’une armée ce qu’a fait ce Div tout seul et le crocodile au fond de la mer se sent mourir de frayeur quand Guiv s’élance au jour du combat.

Il s’est avancé et avec sa lourde massue, il a frappé comme avec un marteau de forgeron ; il a renversé mes cavaliers avec son cheval et son pied, avec son bras et son étrier ; il a blessé et tué nos braves ; il n’a tenu aucun compte de nos a guerriers.

Jamais nuage n’a laissé tomber autant de gouttes de pluie que nous avons fait tomber sur sa tête de coups de massue ; mais il est resté tranquille sur sa selle, comme s’il avait été dans un bosquet de roses : tu aurais dit que sa massue faisait partie de lui-même.

À la fin toute l’armée s’est enfuie et je suis resté seul à le combattre.

Tout en fuyant devant moi, il a tourné dans l’air son lacet, l’a lancé et a pris ma tête dans le nœud.

J’en fus étourdi et perdis le sens et il parvint à me jeter par terre.

Il descendit, m’attacha les deux mains, me fit marcher devant lui, remonta sur son cheval et m’amena ignominieusement devant Khosrou, où un nouveau danger me menaçait, car il voulait me couper la tête.

Mais Ferenguis me vint en aide, de sorte qu’au lieu de me tuer il se contenta de me percer l’oreille, de me lier les mains et en poussant des cris de rage, de me faire jurer solennellement, par la vie et la tête du roi, par le soleil et la lune, par Dieu le tout-puissant, par le trône et la couronne, que je garderais mes liens jusqu’à Khoten.

Voyant que la fortune était contre moi, j’ai prêté le serment, j’ai juré de ne demander à personne de me délier et de continuer ma route jusqu’à ma résidence.

Je ne sais quelle est la secrète intention du ciel, qui parait me refuser toute faveur ; car tantôt il livre ma tête et mes bras au lacet de mon ennemi, tantôt il m’assujettit à des serments et à des liens. »

Lorsque Afrasiab eut entendu ces paroles, la colère amena des larmes dans ses yeux ; il poussa un cri et ordonna à Piran de sortir de sa présence.

Piran trembla et se tut et le roi revenant à son fol orgueil, se répandit en injures contre ses ennemis ; il jura que quand même Guiv fils de Gouderz et cet enfant du Div, seraient des nuages remplis d’éclairs et de tempêtes, il les arracherait du ciel sublime.

Il porta la main à son épée et la tira en disant :

Je les détruirai avec cette épée qui coupe le fer ; quand j’aurai saisi Ferenguis, je rendrai le monde noir et étroit devant elle, je la couperai en deux avec l’épée tranchante, je la jetterai aux poissons pour qu’ils la mettent en pièces : car je comprends que Khosrou cherche à rentrer dans l’Iran ; mais Ferenguis, pourquoi se mettrait-elle aussi en route ? »

Dernière mise à jour : 26 sept. 2021