Afrasiab s’adressa à ses braves et leur dit :
La fortune qui veillait sur nous s’est endormie ; puisque vous combattez si mollement, il est temps que j’agisse moi-même.
Conduisez-vous au moins pour aujourd’hui comme des léopards.
Assaillez-les de tous côtés et combattez ; accablez-les partout ; portez les pointes de vos lances jusqu’au soleil et faites-le descendre sur la terre. »
Il s’élança du centre de l’armée du Touran, et, le cœur blessé et avide de vengeance, il se jeta sur l’aile que commandait Thous.
Il tua un grand nombre de chefs des Iraniens et Thous eut peur et s’enfuit.
Un homme accourut vers Rustem et lui dit :
La gloire de ce jour est perdue ; l’aile droite est devenue une mer de sang et le drapeau iranien est abattum Rustem partit du centre de l’armée, suivi de Faramourz et de ses braves.
Il trouva devant lui de nombreux cavaliers armés de boucliers, tous irrités contre lui, tous parents et alliés d’Afrasiab, tous ayant le cœur rempli de haine et la tête pleine d’impatience. antem en tua un grand nombre et Faramourz et Thous le soutinrent dans la mêlée.
Afrasiab vit le drapeau violet de Rustem et l’étendard de Kaweh et reconnut par là qu’il avait devant lui le héros au corps d’éléphant, le fier descendant de Neriman.
Il bondit comme un léopard courageux ; il s’affermit sur les étriers et se précipita au-devant de Rustem.
Celui-ci aperçut le drapeau noir et y courut comme un lion en fureur ; il abandonna les rênes à Raksch, son cheval rapide.
Le héros illustre bouillonnait de rage ; il se jeta sur Afrasiab qui portait haut la tête et de la pointe de sa lance le sang coula comme de l’eau.
Rustem perça le haut du casque du roi avec une flèche dont la pointe avait la forme d’une feuille de saule et Afrasiab frappa Rustem sur la poitrine avec sa lance dont la pointe entra dans le cuir de la ceinture, mais ne put percer la cuirasse de peau de tigre de Rustem.
Tehemten fondit sur lui en fureur et atteignit son cheval au poitrail avec sa lan’ce.
Le destrier tomba par l’excès de la douleur et jeta par terre le vaillant roi.
Rustem chercha à saisir Afrasiab par la ceinture pour hâter le moment de sa mort ; mais Houman était à côté du roi et ob-
Servait ce qui se passait.
Il leva sa lourde massue jusqu’au ciel et en frappa Rustem sur l’épaule.
Toute l’armée poussa un cri et Rustem, le Pehlewan de l’Iran, se retourna et regarda derrière lui.
Afrasiab saisit ce moment pour lui glisser sous la main et monter sur un cheval rapide.
Les chefs de l’armée du Touran firent entendre un cri qui monta jusqu’aux nues et saisirent leurs lourdes massues.
Le vainqueur des lions, le distributeur des couronnes frémit de colère et lança Raksch à la poursuite de Houman ; mais malgré la vitesse de sa course, malgré l’ardeur qu’il y mettait, il ne put l’atteindre, car le sort lui avait encore accordé un répit.
Ses amis se jetèrent en grand nombre au-devant de lui pour l’aider à se soustraire à la mort ; et il réussit, par mille ruses, à se tirer des mains du crocodile avide de combats.
Quand il lui eut échappé, Rustem retourna vers la siens plein de colère et le noble Thous lui demanda si l’épaule de l’éléphant se ressentait du coup de l’onagre.
Rustem lui répondit :
Quand le bras d’un brave fait pleuvoir des coups de massue, ni le rocher ni l’enclume ne lui résistent ; il faut pour frapper ainsi, avoir surtout une poitrine et un bras : mais quand Houman manie sa massue, tu dirais qu’elle est de cire et non pas de fer. »
Lorsque Rustem fut revenu de cercombat et que le vaillant Houman se fut enfui, toute l’armée fit entendre un cri,tous les braves élevèrent leurs lances ses jusqu’aux nues ; on ne voyait partout que tués et blessés, on aurait dit :
qu’il avait poussé des tulipes sur un sol de safran ; les chevaux piétinaient dans le sang et les pieds des éléphants en étaient rougis.
Les Turcs s’enfuirent comme le vent, car Rustem leur faisait sentir la force de son bras ; il les poursuivit trois farsangs, semblable à un dragon bondissant ; ensuite il revint sur ses pas, car le ciel avait puni ses ennemis et lui et les siens rentrèrent dans leur camp.
Son armée s’était enrichie par un butin immense et toute la plaine était couverte de fer, d’argent et d’or, de lances, de brides, d’armures et de ceintures.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021