Quelqu’un porta cette nouvelle à Afrasiab en disant :
Sohrab a lancé sur la mer son vaisseau ; une grande armée s’est assemblée autour de lui ; il lève la tête comme un cyprès au milieu d’un jardin.
L’odeur du lait lui sort encore de la bouche et déjà il a pris l’épée et les flèches.
Il purifiera le monde avec son épée et maintenant il va attaquer Kaous.
Une grande armée l’entoure et il n’a plus peur de personne ; Mais pourquoi faire de longs discours ?
Il cufit de dire qu’il montre une bravoure au-dessus de celle de sa race. »
Afrasiab entendit ces paroles et en fut réjoui ; il sourit et ne cacha pas son contentement ; il choisit, parmi les chefs courageux de son armée, des hommes qui marchaient fièrement avec leurs lourdes massues, des Sipehbeds comme Houman et Barman qui n’hésitaient pas dans le combat des lions ; il leur confia douze mille guerriers pleins de cœur, l’élite de son armée.
Ensuite -il leur dit :
Si vous tenez secrète la ruse que je vais vous indiquer, vous déciderez du sort du monde.
Il ne faut pas que le père puisse reconnaître son fils, guidé par les liens de l’âme et par l’instinct de la nature.
Quand ils seront en présence l’un de l’autre, Rustem voudra sans doute commencer le combat et le vieux guerrier sera peut-être tué par ce lion ; alors nous entrerons dans l’Iran privé de Rustem, nous rendrons le monde étroit devant Kaous ; plus tard nous saisirons Sohrab et une nuit nous le ferons dormir d’un sommeil éternel.
Si au contraire Sohrab meurt de la main de son père, le cœur du glorieux Rustem se consumera de douleur. »
Les deux Pehlewans plein de prudence partirent pour se rendre auprès de Sohrab à l’âme brillante, se faisant précéder par des présents dignes d’un roi : dix chevaux et dix mules, les uns sellés, les autres chargées, un trône de turquoises et une couronne d’ambre ; la couronne était surmontée d’une perle, les degrés du trône étaient d’ivoire.
Ils portaient aussi une lettre adressée au noble guerrier et remplie de flatteries qui devaient lui plaire :
Si tu peux t’emparer du trône de l’Iran, le monde sera affranchi de toute dissension ; de notre frontière à celle de l’Iran il n’y a qu’un court chemin et le Semengan, l’Iran et le Touran ne font qu’un.
Je t’envoie une armée telle qu’il te la faut place-toi sur ce trône et pose sur ta tête cette couronne.
Certainement il n’y a jamais eu dans le pays de Touran des braves et des chefs comme Houman et comme Barman ; je te les envoie pour qu’ils soient tes hôtes pendant quelque temps.
Si tu veux faire la guerre, ils la feront avec toi, ils rendront la terre étroite à tes ennemis. »
Telle était la lettre et le présent digne d’un roi qu’ils emportèrent en conduisant les chevaux et les mules chargées.
Sohrab en eut connaissance et serra sa ceinture pour aller à leur rencontre.
Il alla avec son grand-père au-devant de Houman rapidement comme le vent et voyant cette grande armée, son cœur s’en réjouit.
Lorsque Houman vit les bras et les épaules de Sohrab, il en resta tout interdit ; il lui remit la lettre du roi avec les présents et les armes et les deux Pehlewans pleins de prudence s’acquittèrent du message du roi de la terre.
Sohrab, qui ambitionnait la possession du monde, ayant lu la lettre, mit aussitôt l’armée en marche, fit battre les timbales, partit et remplit le monde du bruit de ses troupes.
Aucun ennemi ne pouvait lui résister, eût-ce été un lion courant sur lui, ou un crocodile.
Il conduisit son armée dans le pays d’Iran, brûlant tous les lieux habités et n’épargnant rien.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021