Il gouverna ainsi jusqu’à ce que son pouvoir fût bien établi et qu’il fût le maître en tout ce qu’il voulait.
Alors, il changea, montra sa mauvaise nature et s’écarte de la voie des règles et de la foi.
Tous ceux qui avaient vécu auprès de son père, honorés, heureux et en parfaite sécurité, il les fit, tous périr sans qu’ils eussent commis de crime : telles étaient la Mî voie et la coutume de ce roi. [l’y avait trois scribes de Nouschirwan, dont un vieux savant et deux plu : jeunes, l’un était lzed Guschasp, le second Barzmihr, un homme intelligent, glorieux et plein de tendresse ; le troisième portait le nom de Mah Ader, un homme sage, d’un cœur serein et gai.
Ces trois vieillards s’étaient tenus devant le trône de Nouschirwan comme Destour et Vizirs.
Hormuzd avait l’intention de faire mourir subitement ces trois hommes, car il craignait qu’ils pourraient un jour se montrer ingrats envers lui.
Il commença par mettre la main sur lzed Guschasp et le jeta sans raison dans les fers et en prison.
Le cœur du Grand Mobed en fut dans l’angoisse et son chagrin fit pâlir ses joues, car c’était un Mobed et un homme de bonne nature, un sage qui portait le nom de Zerdnhischt.
Ces fers d’lzed Guschasp le scribe le blessaient au cœur, comme s’il eût été frappé d’une flèche.
Un jour se passa ; lzed Guschasp n’avait ni serviteur pour avoir soin de lui, ni nourriture, ni vêtements, ni ami consolateur ; il envoya alors de sa prison, à son ami le Grand Mobed, ce message :
Ô toi qui es pour moi comme la moelle et la peau, je suis dans la prison du roi, sans serviteur et personne ne peut venir jusqu’à moi ; j’ai envie de manger, mon estomac est afi’amé, mes peines sont grandes ; fais-moi porter quelque nourriture convenable ; et si je meurs, envoie du linge et quel-M3 qu’un pour coudre mon linceul. »
Le cœur du Mobed fut chagrin de ce douloureux message et du lieu où lzed Guschasp se trouvait ; il répondit :
Ne te lamente pas de tes fers, si tu vie n’est pas en danger. »
Il fut affligé de ce qu’avait fait Hou mnzd et ses soucis firent pâlir ses joues ; il dit :
Cet homme sans générosité et sans dignité va savoir que son Mobed a envoyé quelque chose à la prison et ma vie ne vaudra plus une obole.
Il m’arrivera malheur par cet homme, qui est le maître du monde et son visage pâlira de colère contre moi. »
Il se désolait par pitié pour lzed Guschasp et ses joues jaunirent.
Il ordonna à son cuisinier d’envoyer au prison-.nier de la nourriture, puis il monta sur un cheval arabe et se rendit auprès d’lzed Guschasp.
Lorsque le gardien de la prison le vit, sa terreur fut si grande que toute couleur disparut de ses joues, mais il n’ose pas lui dire de ne pas entrer dans la prison, parce qu’il avait affaire à un roi colère et nouveau.
Le vieillard mit pied à terre en pleurant et entra dans la prison d’lzed Guschasp ; ils se serrèrent dans leurs bras, le cœur plein de douleur, les cils de leurs yeux semblables à un nuage de printemps et parlèrent du mauvais caractère du roi jusqu’à ce qu’ils n’eu’ssent plus rien à se dire.
On plaça une table devant Ized Guschasp, ils prirent silencieusement le Barsom en main, puis lzed Guschasp au énonça, en murmurant comme s’il priait, ses dernières volontés et le Mobed l’écouta pendant qu’il lui parlait de son argent, de ses trésors accumulés, de son palais, de sa salle d’audience et de ce qu’il avait de précieux. p Ensuite, il dit au Mobed :
Ô toi qui recherches une bonne renommée !
Quand tu sortiras d’ici, dis à Hormuzd en mon nom : Quand même tu refuserais de m’entendre, pense au travail et aux fatigues que j’ai endurés sous ton père et que je t’ai élevé dans mes bras.
Maintenant la récompensevpour mes peines est la prison et après la prison je suis en danger de ma vie.
Jevmontrerai devant Dieu,.au jour du jugement, mon cœur innocent, mais plein des chagrins que le roi lui inflige.
Si tu veux être généreux envers un homme qui n’a pas commis de
’ faute, ce sera bien, car la générosité sied à un roi. »
Pendant que le Mobed serendait à son palais, un des agents du roi courut au même moment rapporter à Hormuzd tout ce qu’il avait entendu et le roi conçut unetmauvaise pensée.
Son cœur s’endurcit à l’instantvenvers lzed Guschasp ; il envoya à la prison et le fit mettre à mort.
Il se fit faire beaucoup de rapports sur ce que disait le Mobed, mais sans lui marquer aucun déplaisir ; il réfléchissait de toute manière comment il pourrait faire mourir Zerduhischt ; à la fin il ordonna à son cuisinier de mettre en secret du poison dans un mets et lorsque le Mobed se présenta à l’heure de l’audience pour prendre les ordres du roi illustre, il lui dit :
Ne t’en va pas aujourd’hui, j’ai découvert un nouveau cuisinier. »
Le Mobed s’assit, on mit la table et à l’instant ses joues pâlirent, car il comprit que cette table était sa mort et qu’il ne se trompait pas dans ses soupçons.
Les cuisiniers apportèrent les mets et le roi mangea de tout ; mais lorsqu’il fit apporter le plat empoisonné, le Mobed le regarda attentivement et son cœur pur n’eut aucun doute que ce qu’on lui offrait sur ce plat comme de la thériaque était du poison.
Hormuzd l’observe en silence et étendit la main vers ce plat, avec la manière qu’ont les rois quand ils veulent être polis et flatter un de leurs serviteurs.
Il étendit donc sa main auguste vers la table. prit un os à moelle dans le plat et dit au Mobed :
Ô toi, au cerveau pur, voici un bon et délicat morceau que je te destine ; ouvre la bouche et goûte ce mets ; c’est ainsi que tu dois être nourri dorénavant. »
Le Mobed répondit :
Je te conjure par ta vie et ta tête !
Puissent ta tête et ton diadème être éternels !
Ne ni’ordonne pas de manger de cette friandise, je suis rassasié, ne me pousse pas plus loin. »
Hormuzd lui dit :
Je jure par le soleil et la. lune, par l’âme pure du ’roi, maître du monde. que tu prendras ce morceau de mes doigts et que tune m’hnmilicras pas on refusant de me complaire : n
Le Mobed dit :
Le roi l’ordonne, je ne puis qu’obéir. »
Il mangea, quitta la table en gémissant et en se tordant, courut à son palais, ne dit à per-. sonne qu’il avait mangé d’un mets empoisonné, fit arranger un lit et se coucha en poussant des cris de douleur.
Il demanda qu’on lui apportât du bézoard, qu’on en cherchât dans son vieux trésor ou en ville ; mais l’antidote n’agit pas sur ce poison et le Mobed invoqua avec amertume l’aide de Dieu contre Hormuzd.
Le roi envoya un homme de confiance pour observer l’état du Mobed, pour voir si le poison agissait dans son corps ou si le plan avait échoué.
L’œil du Mobed tomba sur l’émissaire et ses larmes coulèrent à travers les cils sur ses joues ; il lui dit :
Va auprès
, de Hormuzd et dis-lui :
Ta fortune est sur le retout.
Je vais paraître avec une plainte devant le juge suprême et dans un lieu on nous nous trouverons face à face.
Dorénavant tu ne te coucheras plus en sécurité contre un malheur, car tu es livré à la justice qui viendra de Dieu.
Je prends congé de toi, ô méchant homme ; tes mauvaises actions vont te porter malheur. »
L’homme de confiance du roi partit en pleurant et rapporta cette réponse à Hormuzd.
Le roi se repentit de ce qu’il avait fait et se tordit en entendant ces paroles de vérité ; il ne voyait pas moyen d’échapper aux peines qui l’attendaicnt et exhala de sa poitrine beaucoup de soupirs.
Le Grand Mobed M7 mourut et tous les hommes de sans le pleurèrent amèrement.
Tel est le monde, plein de douleurs et de peines.
Pourquoi être fier d’une couronne ?
Pourquoi étendre la main vers un trésor ?
Car ce moment de jouissances passera et le temps compte chacune de nos respirations.
Dernière mise à jour : 28 déc. 2021