Lorsque Rustem, malgré ses blessures, ouvrit les yeux, il vit le visage malveillant de Scheghad et sentit que cette ruse et ce plan venaient de lui et que Scheghad, le fourbe, était son ennemi.
Il lui dit:
Ô homme vil et à la mauvaise fortune, c’est par ton fait que ce pays heureux devient un désert.
Tu te repentiras de ceci, les suites de ton crime te feront trembler, et tu n’arriveras pas à la vieillesse.
Le misérable Scheghad lui répondit:
Le ciel qui tourne a fait justice de toi;
Pourquoi as-tu pendant si longtemps versé du sang dans l’Iran, dévasté et attaqué tous les pays?
Le moment de ta fin est venu, et tu périras de la main des Ahrimans.
Dans ce moment le roi de Kaboul arriva du désert dans le lieu de la chasse, il vit le héros au corps d’éléphant si grièvement blessé, il vit que ses blessures n’étaient pas pansées et lui dit:
Ô chef illustre de l’armée, que t’est-il arrivé dans cette réserve de chasse?
Je vais partir en toute hâte et amener quelques médecins, en versant des larmes de sang sur tes douleurs;
J’espère que tes blessures se guériront et que je n’aurai plus à inonder mes joues de larmes de sang.
Tehemten lui répondit:
Ô homme rusé et de mauvaise race!
Le temps des médecins est passé pour moi, mais ne verse pas de larmes de sang sur ma mort.
Si longtemps qu’on vive, on finit par mourir, et la rotation du ciel atteint tout ce qui a vie.
Je ne suis pas un homme plus glorieux que Djemschid, qui a été scié en deux par Peiverasp, que Feridoun et Keï Kobad, ces grands rois de naissance illustre;
Et lorsque le temps de Siawusch était venu, Gueroui Zereh lui a coupé la gorge avec son poignard.
Ils étaient tous rois de l’Iran, ils étaient des lions vaillants dans le combat, mais ils sont partis et nous leur avons survécu, nous sommes restés sur la route comme des lions terribles;
Faramourz mon fils, la joie de mes yeux, viendra et te demandera compte de ma mort.
Ensuite il se tourna vers le vil Scheghad, disant:
Puisque ce malheur m’a atteint, tire mon arc de son étui et ne me refuse pas cette prière.
Bande l’arc, et place-le devant moi avec deux flèches, car il ne faut pas qu’un lion, rôdant pour chercher sa proie, me voie et me fasse du mal; mon arc me pourrait alors servir.
Si je puis éviter d’être déchiré encore en vie par un lion, mon temps viendra et je me coucherai dans la poussière.
Scheghad alla tirer l’arc de l’étui, le banda, le tendit une fois pour l’éprouver, et, tout joyeux de la mort prochaine de son frère, le plaça en souriant devant Tehemten.
Celui-ci saisit l’arc avec force, mais en se tordant sous la douleur de ses blessures.
Scheghad eut peur de ses flèches et courut se faire un bouclier d’un arbre.
Il trouva devant lui un platane sur lequel avaient passé bien des années; il était creux en dedans, mais il portait encore des feuilles, et Scheghad, à l’âme impure, se cacha derrière cet arbre.
Rustem le vit, leva le bras, et, tout blessé qu’il était, lâcha la flèche, qui cousit ensemble l’arbre et Scheghad, ce qui remplit de joie le cœur du héros mourant.
Scheghad poussa un cri lorsqu’il fut blessé, mais Tehemten lui avait laissé peu de temps pour sentir la douleur.
Ensuite Rustem dit:
Grâces soient rendues à Dieu, que pendant toute ma vie j’ai cherché à connaître, de ce qu’il m’a donné la force de me venger moi-même de ce traître, avant ma mort, pendant que ma vie tremble déjà sur mes lèvres et avant que deux nuits aient passé sur cette vengeance!
Il dit, et son âme quitta son corps pendant que toute l’assemblée versait des larmes de douleur.
Zewareh mourut dans une autre fosse, et tous ses cavaliers, grands et petits, périrent.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021