Cependant l’aube du jour commença à rayonner du haut de la montagne et à s’avancer timidement au milieu de la nuit sombre;
Rustem revêtit ses armes de combat et fit sa prière au Créateur du monde.
Arrivé près de l’armée illustre des Iraniens, pour provoquer Isfendiar à la lutte, le héros, qui cherchait un moyen de salut, se redressa et s’écria:
Ô homme avide de combats, comment peux-tu dormir ainsi pendant que Rustem a déjà sellé Raksch ?
Ensuite il reprit:
Réveille-toi de ce doux sommeil, lutte contre Rustem, qui demande vengeance.
Isfendiar entendit ces paroles; le peu d’effet qu’avaient produit ses armes pesantes l’avaient découragé, et il dit à Beschouten:
La bravoure d’un lion ne sert à rien contre un magicien.
Je ne croyais pas que Rustem pourrait arriver à son palais chargé de sa cotte de mailles, de sa cuirasse en peau de léopard et de son casque;
Et Raksch, le destrier qu’il monte, avait la poitrine toute couverte des fers de mes flèches.
J’ai entendu dire que Destan, ce sectateur des magiciens, étendait en toute occasion ses mains jusqu’au soleil, et qu’il dépasse tous les magiciens quand il est en colère: il n’est pas prudent de me battre contre eux.
Beschouten lui répondit, les larmes aux yeux:
Puissent les soucis et le dépit tomber sur tes ennemis!
Que t’est-il arrivé, pour que tu sois si découragé aujourd’hui?
Probablement tu n’auras pas dormi dans la nuit.
Qu’y a-t-il donc eu dans le monde entre ces deux héros pour que cette querelle ne fasse qu’augmenter?
Je ne sais lequel des deux la fortune a abandonné, puisqu’elle amène de nouveaux combats entre eux.
Le héros Isfendiar revêtit sa cuirasse, saisit ses armes de combat, et s’écria en apercevant Rustem:
Puisse ton nom disparaître du monde! Ô homme du Séistan, as-tu donc oublié l’arc du héros avide de combats?
L’art magique de Zal t’a guéri;
Sans lui le tombeau aurait déjà réclamé ton corps;
Maintenant tu viens après avoir pratiqué tes enchantements, et c’est ainsi que tu t’élances dans le combat contre moi.
Mais aujourd’hui je te briserai les membres de telle manière que Zal ne te reverra pas vivant.
Lorsque Rustem le vit ainsi en colère, il poussa un soupir et répondit:
Ô Isfendiar, le héros entre tous, ô toi qui n’es pas encore rassasié de batailles, crains donc Dieu le très-saint, le maître du monde, et ne rabaisse pas ton cœur et ton intelligence!
Je ne viens pas aujourd’hui pour me battre, je viens pour présenter des excuses et pour sauver mon nom et mon honneur.
Pourquoi lutterais-tu contre moi avec mauvaise intention, pourquoi fermerais-tu les yeux de ta raison?
Je te conjure par Zerdouscht, le juste, par sa foi sainte, par Nousch-Ader, par la majesté divine qui repose sur les rois, par le soleil et la lune, par le Zendavesta, de renoncer à la voix de la perdition.
Oublie les paroles qui ont été dites, si violentes qu’elles aient pu être.
Viens voir une fois ma maison, car ton désir de m’ôter la vie doit être passé.
J’ouvrirai la porte des vieux trésors que j’ai amassés pendant de longues années;
J’en chargerai tes bêtes de somme, tu les donneras à ton trésorier, qui les conduira;
Ensuite je partirai avec toi, je me présenterai avec toi devant le roi, quand tu l’ordonneras, et je regarderai comme juste ce qu’il fera, soit qu’il me déclare libre, soit qu’il me charge de chaînes.
Réfléchis à ce qu’a dit un ancien sage:
Ne t’associe jamais à une mauvaise étoile!
Je cherche tous les moyens pour que la fortune t’ôte l’envie de nouveaux combats.
Isfendiar répondit :
Je ne me sers pas de fraude au jour du combat, au jour de la terreur.
Tu parles sans cesse de ta maison et de ton palais, tu tâches de faire paraître calmes tes traits enflammés;
Mais si tu veux conserver la vie, commence par mettre mes fers.
Rustem reprit ainsi la parole:
Ô roi! ne dis pas des choses injustes, ne rends pas vil mon nom et ne déshonore pas le tien, car il ne sortira que des malheurs de ce combat;
Je te donnerai des milliers de joyaux dignes d’un roi, et des bracelets, des chaînes et des boucles d’oreilles;
Je te donnerai mille jeunes esclaves aux douces lèvres, qui se tiendront devant ton trône jour et nuit;
Je te donnerai mille jeunes filles de Khallakh qui par leur beauté feront l’ornement de tu couronne.
J’ouvrirai devant toi les portes des trésors de Sam, de Neriman et de Zal, ô homme sans égal!
Je réunirai tout cela devant toi, ensuite j’amènerai les hommes du Zaboulistan, qui tous seront à tes ordres, qui détruiront tes ennemis au jour du combat.
Ensuite je me tiendrai devant toi comme un esclave, je me rendrai auprès de Guschtasp, qui me poursuit de sa rancune.
Ô roi! écarte la haine de ton cœur; ne fais pas de ton corps un lieu d’embuscade pour le Div.
Tu as d’autres moyens de m’attacher que des chaînes: emploie-les envers moi, car tu es un roi et un adorateur de Dieu; les chaînes laisseraient sur mon nom une tache éternelle;
Et comment te siérait-il de faire ce qui est mal?
Isfendiar répondit:
Jusques à quand prononceras-tu de ces discours inutiles?
Tu m’exhortes à quitter la voie de Dieu et à désobéir au roi, gardien du monde.
Mais quiconque s’écarte des ordres du roi veut tromper Dieu;
Choisis donc entre les chaînes et le combat, et ne parle plus aussi follement.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021