Guschtasp

Ardjasp exhorte ses troupes

Deux semaines se passèrent ainsi, et à chaque instant le combat devint plus vif.

Alors parut le vaillant Zerir, monté sur un puissant cheval de couleur isabelle: il se jeta sur le camp des ennemis comme une flamme qui, poussée par le vent, dévore les herbes.

Il tua les uns et renversa les autres, et quiconque le vit ne put tenir devant lui.

Quand Ardjasp s’aperçut que ce fils de Lohrasp allait anéantir son armée, il s’adresse à haute voix à ses troupes, s’écriant:

Voulez-vous donc livrer au vent le pays de Khallakh?

Voici deux semaines qui se passent dans cette lutte, et je n’en vois pas encore poindre la fin.

Les héros du roi Guschtasp ont déjà tué un grand nombre des plus illustres parmi nous, et maintenant vient Zerir, comme un loup furieux, comme un lion qui déchire tout, et il tue tous mes hommes, mes Turcs qui portent haut la tête, mes héros.

Il faut penser à un moyen de salut, ou reprendre le chemin du pays des Turcs;

car si Zerir continue ainsi pendant quelque temps, il ne laissera exister ni Ardjasp, ni Khallakh, ni la Chine.

Quel est parmi vous l’homme désireux de gloire qui ose sortir des rangs de l’armée, aller au-devant de lui, seul et comme un homme, et acquérir un nom illustre dans le monde entier?

Quiconque poussera son cheval hors de nos rangs et jettera Zerir dans la poussière en face du ciel, je lui donnerai ma propre fille, je lui confierai mon drapeau.

Les troupes ne lui répondirent pas, car toute l’armée d’Ardjasp était effrayée de ce sanglier.

Dans ce moment le Sipehbed Zerir, le Pehlewan du monde, arriva semblable à un loup et tomba sur les Turcs comme un lion ou comme un éléphant furieux, tuant les uns et renversant les autres.

A cet aspect Ardjasp se troubla, le monde devint sombre devant ses yeux, et il dit encore une fois:

Ô braves de la Chine, grands et héros et Turcs de la Chine, ne voyez-vous pas vos parents et vos alliés, n’entendez-vous pas les cris des blessés foulés aux pieds de cet homme furieux, qui frappe de la massue comme Sam et des flèches comme Arisch, dont le feu consume toute mon armée, et qui va livrer aux flammes mon pays entier?

Quel est parmi vous l’homme à la main vaillante qui s’opposera à cet éléphant en fureur?

Quiconque saisira ce destructeur des braves et le jettera à bas de son destrier, je lui donnerai un trésor d’or, j’élèverai son diadème au-dessus du ciel.

Mais personne ne répondit, et Ardjasp en fut étonné, et sa joue pâlit.

Il répéta trois fois les mêmes paroles, et resta confondu de ne point recevoir de réponse.

A la fin, Bidirefsch, le colèreux, le vil, le chien, le magicien, le vieux loup, dit à Ardjasp:

Ô puissant soleil! toi qui, de la racine jusqu’à la cime, est l’image d’Afrasiab, je t’ai apporté ma vie, je te la donne, je la place devant toi.

Je m’avancerai vers ce furieux éléphant ivre, et j’espère le vaincre et jeter sur la terre son corps, si le roi veut me donner le commandement de cette armée innombrable.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021