Khouschnewaz eut nouvelle de ce mouvement ; il entra dans le désert et se prépara à la lutte ; il se rendit à Beîkend et y établit un camp tel que la voûte du ciel qui tourne ne voyait plus la surface de la plaine.
De l’autre côté, Souferaï, le cœur rempli du désir de vengeance, s’avança rapidement comme le vent.
Lorsque la nuit fut devenue profonde . le Pehlewan de l’armée ferma l’accès du camp par une rangée d’éléphants reposés ; des rondes faisaient le tour des deux armées ; le monde se remplit du bruit des hommes avides de combats et l’on entendit de loin, du devant et des derrières, le cri des gardiens des camps et le tintement des clochettes.
Cela continua jusqu’à ce que l’épée du soleil parût et les vallées et les plaines brillèrent comme un cris-La] blanc ; alors les deux armées se préparèrent au combat et déployèrent l’étendard de la puissance : les cris des braves avides de combats déchirèrent le cœur des dragons, les plumes des flèches firent de l’air comme une queue de vautour et le sang des chefs fit de la terre un lac.
De quelque côté qu’on regardât, il y avait un monceau de morts qui avaient succombé aux coups des héros.
Souferaï s’élança du centre de son armée qui se précipitait à sa suite.
De l’autre côté, Khouschnewaz s’avança, l’épée de combat en main et le serra de près.
’ Souferaï dirigea contre sa tête un coup de massue tel qu’on aurait dit que le ciel en était ébranlé ; mais Kouschnewaz s’écarta, par un bond, de cet homme armé de massue et lança son cheval vers le bas de la colline ; il vit que le sort lui était contraire, tourna bride et montra le dos et Souferaï, rapide comme l’ouragan, le poursuivit, tenant la lance qui détruit la vie.
Il fit prisonniers un grand nombre d’hommes illustres et beaucoup d’autres furent tués par l’épée et les flèches.
Khouschnewaz courut jusqu’auprès de Kohendiz. il vit sur la route bien des morts et des blessés ; il observa d’en haut son armée dispersée sur les collines et dans les basfonds du désert, la route jonchée de morts et de butin et la plaine qui brillait comme un jardin.
Chacun. portait à Souferaï des armures, des ceintures, des brides, des lances et des casques de grands et lui amenait des chevaux et des esclaves.
Cela formait un monceau comme le mont Elburz : mais Souferaï abandonna tout à l’armée et ne garda rien de ce qui provenait des Turcs.
Il dit à ses braves :
.Aujourd’hui nos affaires sont allées selon le désir de nos cœurs par la faveur du sort ; mais il ne fau-n dra pas nous arrêter sur cette plaine quand le soleil naura montré sa main au haut du ciel, nous irons venger le roi des rois de l’Iran, nous partirons comme des lions pour ce châteaum Toute l’armée plaça la main sur la poitrine et chacun émit son opinion.
Lorsque le joyau de la couronne du soleil parut à la voûte du ciel, on entendit le tambour dans l’enceinte du campement du Pehlewan et Souferaï montait son destrier, lorsqu’un envoyé de Khouschnewaz parut auprès du chef qui portait haut la tête et lui dit :
La guerre, les combats et le sang versé ne produisent que de la peine et de nouvelles luttes.
Est-ce que deux hommes intelligents, braves et jeunes doivent envoyer mutuellement leurs âmes ce en enfer ?
Si tu reprends le chemin de la raison, tu reconnaîtras que la mort de Pirouz a été l’œuvre de Dieu.
Ce n’est pas le vent qui l’a tué, ce sont les astres qui ont tranché ses années et ses mois.
Il a été en, faute, car il a violé le traité, il a choisi la coloquinte et a rejeté le miel.
Maintenant je subis à mon tour ce qui était dans mon sort.
Heureux celui qui reste loin du malheur !
Je vais renvoyer au chef de l’armée du roi les prisonniers et les richesses de toute sorte, l’or, l’argent, les pierres fines non travaillées, les chevaux, les.armes, les trônes et tout ce que Pirouz a abandonné de ses bagages sur le champ de bataille, enfin tout ce qui a appartenu à lui ou à son armée, pour que tu t’en retournes victorieux dans l’Iran et te rendes auprès du roi des braves.
Je n’entreprendrai rien contre l’Iran et tu maintiendras le traité qu’a fait Bahram.Le roi des rois avait divisé le monde selon la justice ; à moi le pays des Turcs et la Chine, à toi l’Iran. 9
Lorsque Souferaï eut entendu ce message, il appela l’armée dans l’enceinte de ses tentes et ditau messager :
Bépète devant l’armée ce que t’a dit ton belliqueux maître. »
Le messager de Khouschnewaz répéta tout ce qu’il y avait de public et de secret.
Souferaï dit ensuite à son armée :
Quel est votre avis sur cette affaire ? »
L’armée répondit :
C’est à toi d’aviser et de conclure la paix ; personne dans l’Iran ne connaît les affaires mieux que toi, tu es notre roi, notre chef et notre maître. »
Alors Souferaï dit à ces hommes qui portaient haut la tête :
Aujourd’hui mon avis n’est autre que de ne plus leur faire la guerre et de ramener sans délai dans l’Iran notre armée ; car Kobad est entre leurs mains, le fils royal de Pirouz, le Grand Mobed
" Ardeschir et beaucoup de grands de l’armée, jeunes et vieux.
Si nous continuons la guerre contre Khouschnewaz, ce sera pour nous une longue lutte qui ne nous vaudra aucun avantage ; ils tueront leurs prisonniers iraniens, Kobal qui ambitionne la possession du monde et Ardeschir.
Encore si Kobad n’était pas parmi eux, mon cœur et ma tête pourraient oublier le Mobed ; mais s’il arrivait malheur à Kobad par la main des Turcs, il n’y aurait que des clameurs dans l’Iran et ce serait une honte telle qu’elle ne serait pas oubliée parmi les braves jusqu’au jour de la résurrection.
Donnons donc de bonnes paroles au messager et acceptons 9l cette paix heureuse pour revoir Kobad (puisse la royauté n’être jamais privée de lui!) et le Grand Mobed Ardeschir et tous les prisonniers jeunes et vieux. »
L’armée le couvrit de bénédictions. s’écriant :
Voilà le traité qu’il faut, voilà la manière royale, voilà la foi ! »
Alors le Pehlewan fit rappeler l’envoyé et lui parla d’une voix douce :
C’était l’œuvre de Dieu, voilà tout et quand le sort prépare un malheur, il le fait en secret.
Vous m’enverrez, avec tous les honneurs, les grands de l’Iran qui sont devenus vos prisonniers, Kobad et le Mobed Ardeschir et tous ceux qui portent à leurs pieds vos chaînes ; ensuite, toutes les richesses que vous détenez, l’or, les couronnes et tout ce qu’il y a, vous m’enverrez tout cela et je le recevrai en présence des grands de cette assemblée.
Nous nous abstiendrons de tuer et de piller, car nous sommes au-dessus du besoin et serviteurs de Dieu ; nous repasserons le Djihoun au dixième jour et dorénavant nous ne foulerons. plus votre terre.
Fais attention à tout ce que j’ai dit et quand tu seras arrivé, répète tout au FOI."
Le messager s’en retourna sur-le-champ et se présenta fièrement devant Khouschnewaz, à qui il dit ce qu’il avait entendu.
Khouschnewaz en fut tout joyeux ; il ôta à l’instant les liens à Kobad, au Grand Mobed Ardeschir et à tous les prisonniers iraniens ; 0.
Il réunit tout le butin qu’on avait trouvé sur le terrain du champ de bataille, de même le trône du roi Firouz et ce qui avait été dispersé parmi l’armée des Turcs.
Il envoya le tout à Souferaï et le fit livrer par un homme de probité.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021