Le Mobed dit en lui-même :
Malheur à nous de ce que le roi a donné un pareil ordre !
Nous tous appartenons à la mort, jeunes et.vieux.
Le roi Ardeschir n’a pas de fils et si même il comptait encore des années sans nombre, à la fin il passera et son trône reviendrait à ses ennemis.
Il vaut mieux que je remédie courageusement à ce triste état de choses par une grande résolution.
Je ne tuerai pas cette lune, dans l’espoir que je pourrai faire repentir le roi de l’ordre qu’il oient de me donner ; dans tous les cas, je pourrai exercer la vengeance d’Ardeschir quand cet enfant sera sorti du sein de sa mère.
Ce n’est pas une affaire qui puisse être négligée et il vaut mieux que je sois prudent qu’imprévoyant. »
Il arrangea dans son palais un lieu où il pouvait la garder comme si elle était son corps et son âme et il dit en son cœur :
Ce serait un malheur, si même un souffle d’air pénétrait jusqu’à elle. »
Il réfléchit qu’il avait beaucoup d’ennemis, tous pleins de soupçons et d’envie et il dit :
Je vais trouver un moyen d’empêcher les calomniateurs de troubler al : méchamment l’eau dans mon ruisseau. »
Il s’enferma et se coupa les testicules, mit un cautère et des onguents sur la blessure et la pansa.
Il s’empressa de répandre du se !
Sur les parties coupées et les enferma à l’instant dans un écrin sur lequel il posa un sceau.
Puis, il sortit en poussant des soupirs et les joues pâles et dit à ses serviteurs de lui amener une litière et de le porter chez le roi quand la nuit serait arrivée.
Ils le soulevèrent dans ce triste état et l’emportèrent rapidement dans sa litière.
Le roi Ardeschir dit au Mobed :
Qu’es-tu fait pour que ton visage soit couleur de curcuma ? »
Il répondit :
Cette affaire m’a rempli le cœur de douleur et a rendu jaune ma joue. »
On le plaça devant le trône élevé, l’écrin cordé et scellé dans la main, puis il dit z.
Que le roi veuille bien confier la garde de ceci à son trésorier ; qu’on écrive dessus la date et qu’on en constate la provenance. »
Lorsque le temps des couches de la fille d’Ardewan fut arrivé, le Mobed ne confia pas son secret même au vent ; elle mit au monde un fils, un enfant d’aspect royal et plein de vivacité.
Le Destour écarta tout le monde de son palais ; il donna à l’enfant le nom de Schapour et le cacha pendant sept ans, pendant lesquels le petit prince prit une mine de roi et devint plein de dignité et de force.
Or il arriva qu’un jour le vizir vint voir le roi et vit des larmes sur son visage ; il lui dit :
Ô roi, !
Puisses-tu être heureux !
Est-ce que tu nourris un souci secret ?
Le monde t’a donné tout ce que ton cœur a désiré, tu as précipité du trône la tête de ton ennemi et maintenant est arrivé le temps de se réjouir et de boire du vin et non pas de nourrir des soucis.
La terre aux sept Kischwers forme ton empire ; l’armée, le trône et la vraie voie sont à toi. »
Le roi lui répondit :
Ô Mobed au cœur pur, ce confident de mes secrets !
Mon épée a rétabli l’ordre dans le monde ; j’ai diminué les chagrins, les peines et les vices sur la terre ,-mais j’ai dépassé cinquante et un ans ; le noir de me : cheveux est devenu du blanc de camphre et les roses ont disparu de mes joues.
Il faudrait que j’eusse devant moi un fils, charmant les cœurs, victorieux et guide des hommes,-un père sans fils est comme un fils sans père ; jamat un étranger ne le pressera sur son cœur.
Après moi un ennemi héritera de mon trône et de mon trésor et le gain que je tirerai ; de mes chagrins et de mes peines sera la tombe. »
Le vieux sage pensa que le temps de parler était arrivé et il dit :
Ô roi, plein de bonté pour tes serviteurs, vaillant, serein d’esprit, portant haut la tête !
Si tu veux me garantir la vie, je te délivrerai de ce souci. »
Le roi répondit :
Ô homme plein de sens !
Pourquoi en voudrais-je à ta vie ?
Dis ce que tu sais, parle tant que tu voudras ; qu’y a-t-il de mieux que la parole du sage ? »
Le ministre lui dit :
ah.
0 roi au cœur serein et aux intentions pures !
Un écrin a été déposé chez le trésorier du roi ; il serait bon que le roi le demandât. »
Le roi dit au trésorier :
Il nous faut maintenant le dépôt qu’il t’a re-
émis ; rends-le-lui, pour que nous voyions ce que c’est et espérons que je n’ai pas à vivre dans le chagrin. »
Le trésorier apporta l’écrin et lui remit ce qu’il avait reçu du Destour.
Le roi demanda :
Qu’y a-t-il dans cet écrin et de quel sceau est-il fermé ? »
Il répondit :
Ceci est mon sang chaud et les parties honteuses que je meiSuis coupées.
Tu m’avais confié la fille d’Ardewan jusqu’au moment
1 !
Où tu m’en redemanderais le corps sans âme.
Je ne l’ai pas tuée, parce qu’elle portait dans son sein un enfant ; j’avais peur du Créateur.
Je ne me suis pas ménagé moi-même, connue j’aurais pu faire, si j’avais ce exécuté ton ordre, mais je me suis coupé à l’instant les parties, pour que personne ne puisse dire du mal de moi et me tremper dans les flots de l’ignominie.
Maintenant bon fils Schapour a sept ans et à cet âge il serait digne d’être ton Destour.
Aucun roi n’a un fils comme lui et il ne ressemble qu’à la lune dans le firmament.
Je lui ai donné par tendresse le nom de Schapour ; puisse le monde être heureux par sa fortune !
Sa mère vit encore et élève son fils qui ambitionne la possession du monde. »
Le roi du monde. resta confondu et se mit à réfléchir sur cet enfant ; à la fin il dit à son ministre :
Ô homme au cœur serein, aux intentions saintes !
Tu as beaucoup souffert dans cette affaire et je ne permettrai pas que tes soucis continuent.
Prends cent enfants de son âge, qui lui ressemblent de taille, de mine et de membres et qui soient habillés comme lui, sans aucune différence ; envoie tous ces enfants avec des raquettes, prépare une balle et fais-les venir sur la place du château.
Quand toute la plaine sera couverte de beaux enfants, mon âme sera émue de tendresse à la vue du mien ; mon cœur témoignera de la vérité de tes paroles et me fera connaître mon fils. »
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021